Le printemps arrive, annonciateur des désolations de l’été, de ce soleil ravageur qui vous étouffe et calcine les verts paturages devenus désert au sol blanchi, craquelé et stérile.
Eh oui la « Belle saison » n’a rien de féérique !
Tel est le décor d’ouverture de cette Flûte enchantée présentée à l’Auditorium et pour la première fois à Dijon en version originale, en langue allemande surtitrée en français, et sur les instruments d’époque des Talens lyriques, un ensemble de musique baroque créé et dirigé depuis 1991 par Christophe Rousset, claveciniste.
Le célèbre opéra de Mozart qui dès sa création en 1791 connu un énorme succès, encore aujourd’hui toutes les dates étant complètes, est en fait un « Singspiel », une sorte d’opéra-comique qui se caractérise par l’alternance de dialogues parlés et d’air chantés et par une atmosphère « magique » où le bien et le mal s’opposent.
Cet espace dévasté, cette lande délaissée, où seuls demeurent des hommes, nomades, vêtus de déchets en surnombre et coiffés de crânes d’animaux, hommage posthume à la faune disparue, est le territoire de la Reine de la Nuit.

Une nuit caniculaire qui oppose sa souveraine à un ancien amant, Sarastro, dans la lutte pour la garde de leur fille adorée, Pamina.
La jeune fille se trouve écartelée entre le royaume de sa mère, une terre devenue enfer, et le temple souterrain de son père, décor du IIe acte, un centre commercial désaffecté où elle est tenue prisonnière.
C’est ainsi que la Reine confie à un jeune homme, le prince Tamino, le soin de délivrer sa fille des griffes d’un père qu’elle ne connait pas.
Muni d’une flûte enchantée qui l’aidera dans sa mission et accompagnée de Papageno, un étrange oiseuleur rencontré au début de son périple, Tamino pénètre dans un univers parallèle au nôtre, miroir à peine déformé.
Ainsi, la lutte entre la Reine de la nuit et Sarastro se joue en guerre des sexes dont l’enfant est le centre stratégique, et le temple de Sarastro, lieu de spiritualité et d’ascèse s’oppose à sa zone refuge, supermarché au mercantilisme et à la surproduction en deliquescence.
Une scénographie qui interroge notre quête de bonheur absolue, qui souvent se mesure aux degrés de lumière et à la quantité d’objets qui réchauffe notre coeur de consommateur.
Elle oppose la souveraineté obscure, sommet des plaisirs mercantiles au chant de furie, hypnotique, à une spiritualité « éclairée » censée rendre l’Homme meilleur, nouvelles vertus eco-responsables.
Air de la Reine de la Nuit – « Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen » – Acte 2
A l’origine, Mozart opposait une certaine forme d’absolutisme, dont il a été victime à Salzbourg, à la lumière des loges maçonniques, dont il était membre, censées accueillir chacun selon ses qualités et non ses origines pour refonder une humanité égalitaire.
La musique devient alors une arme contre les dérives d’un pouvoir autoritaire, la flûte enchantée et les clochettes de Papageno permettent non pas de lutter contre le mal mais de se découvrir intérieurement, par un chemin d’épreuves, et extérieurement, par l’alter ego qui partagera votre parcours.
A chacun sa chacune – Tamino & Pamina, Papageno et son ôde à « Papagena » – Acte 2
La mise en scène de David Lescot, les costumes de Mariane Delayre, qui ont fait l’objet d’un financement participatif « Habillez nos chanteurs », la magie des Talens Lyriques et l’agilité du choeur de l’Opéra de Dijon et de la Maitrise de Dijon, révèlent tout l’aspect onirique du dernier chef-d’oeuvre de Mozart, testament virtuose qui demande à réinventer le monde en le réenchantant.

En écho au jeune Mozart qui le 16 juillet 1766, à l’âge de 10 ans, a donné un concert à l’Hôtel de Ville de Dijon, actuelles Archives Départementales, 8 rue Jeannin, les enfants se réapproprient son dernier chef-d’oeuvre.
La Flûte (ré)enchantée est un programme pédagogique initié par l’Opéra de Dijon dans le cadre de ses activités culturelles avec une classe de 6e du collège Henri Dunant de Dijon.
Les élèves ont travaillé le chant et la dramaturgie de cette Flûte, réécrite et mise en scène par Ismaël Gutiérrez, tandis que la musique est assurée par l’Orchestre des Jeunes des Talens Lyriques, élèves de 3e du collége Balzac, Paris XVIIe.
Une réinterprétation juvénile, clin d’oeil heureux à la fantaisie de Mozart, à découvrir le 23 mars à 18h30 dans le foyer de l’Auditorium de Dijon en avant-spectacle de la représentation de La Flûte Enchantée de 20h et le 31 mars à Paris (Lieu à définir – Renseignements au 03.80.48.82.52)