Le Grand Armorial équestre de la Toison d’or

A une époque où, pour les dijonnais, la Toison d’or se limite à la quête du tshirt de l’été, les bonnes affaires commerciales ont-elles éclipsées les aspirations d’un monde médiéval finissant ?

Détail d’un collier de l’ordre de la Toison d’or, créé en 1430, encore distribué aujourd’hui par l’Etat Espagnol comme décoration de mérite

Le XVe siècle est une période de transition entre l’idéal chevaleresque du Roi Arthur et de la légende du Saint Graal, chimère de foi, de pureté et de sacrifice, et la redécouverte de l’antique, mythologie lointaine et érudite propre à satisfaire des princes diplomates soucieux de réunir et d’impressionner pour moins s’affronter.

L’ordre de la Toison d’or, institué à Bruges par le duc de Bourgogne Philippe le Bon il y a 588 ans, le 10 janvier 1430 à l’occasion de son mariage avec Isabelle de Portugal, incarne cette arme nouvelle, chaîne dorée pour seigneurs turbulents, parure de promotion de nouvelles valeurs, ornement de prestige pour toute la Chrétienté.

Rogier van der Weyden (d’après), Philippe le Bon, duc de Bourgogne, 34 x 25 cm, copie du XVIe siècle d’après un original disparu, Paris, Musée du Louvre (détail)

Le duché est une puissance incontournable en cette fin de guerre de Cent Ans et la cour de Bourgogne le creuset d’une fougue passée, avide de croisade, transmutée en symbole d’un nouveau monde plus allégorique, poétique et ludique.

« Le Grand Armorial équestre de la Toison d’or » conservé à la bibliothèque de l’Arsenal au titre de trésor national, est l’un des manuscrits enluminés les plus spectaculaires de la fin du Moyen Âge qui représente au mieux ce passage vers l’époque moderne.

Mouvement extrême, déchaînement abstrait, hardiesse des couleurs, enthousiasme du trait qui font de chaque folio une oeuvre d’art unique à observer pour la première fois avec ardeur chez soi, dans ce fac-similé accessible à tous.

Le roi de Portugal – Grand Armorial équestre de la Toison d’or oeuvre collective (plusieurs peintres dont l’identité ne nous est pas connue) placée sous l’autorité de Jean Lefèvre de Saint-Rémy. Lille, 1435-1438, Gouache sur papier, 167 feuillets (290 x 210 mm) BnF, Arsenal (Cote MS-4790)

L’occasion de découvrir grâce à l’introduction éclairée de Michel Pastoureau, historien médiéviste et archiviste paléographe, les nuances de cette époque particulière perdue dans la coloration généralisée d’un « Moyen Âge » folklorique.

Une initiation aux subtilités de l’imagerie médiévale pour mieux saisir la beauté savante de ces figures guerrières, de la création des armoiries au Moyen Âge central (XIe, XIIe et XIIIe siècle), objet de visibilité sur les champs de bataille, à la subtilité de leur « écriture », figure identitaire, qui gagne peu à peu la vie quotidienne de toutes les familles, nobles ou non.

Une généralisation qui tend à vouloir particulariser certains seigneurs par une série d’ordres princiers comme celui de la Toison d’or, qui sans être le premier devient rapidement l’un des plus prestigieux d’Europe, de par ses origines, sa rareté et ses contraintes.

Hugues de Lannoy – Grand Armorial équestre de la Toison d’or oeuvre collective (plusieurs peintres dont l’identité ne nous est pas connue) placée sous l’autorité de Jean Lefèvre de Saint-Rémy. Lille, 1435-1438, Gouache sur papier, 167 feuillets (290 x 210 mm) BnF, Arsenal (Cote MS-4790)

Dijon en est le siège, dans la Sainte-Chapelle détruite en 1803, même si les chapitres qui réunissent les chevaliers (24 en 1430, 30 en 1433) se tiennent dans les différentes villes du duché, surtout dans les Flandres.

Le Grand Armorial équestre de la Toison d’or a d’ailleurs sans doute été réalisé à Lille, ville spécialisée dans les manuscrits sur papier, pour un expert de l’héraldique, science du blason.

Le duc de Bretagne – Grand Armorial équestre de la Toison d’or oeuvre collective (plusieurs peintres dont l’identité ne nous est pas connue) placée sous l’autorité de Jean Lefèvre de Saint-Rémy. Lille, 1435-1438, Gouache sur papier, 167 feuillets (290 x 210 mm) BnF, Arsenal (Cote MS-4790)

Car, aux figures des premiers chevaliers de l’ordre s’ajoutent celles des grands princes de l’époque (Roi de France, d’Angleterre, duc de Bretagne ou de Luxembourg…) ainsi que les armoiries de différents pays d’Europe, dont la Pologne, certainement « récoltées » par l’héraldiste lors de la paix d’Arras (1435) signée entre le roi de France Charles VII et le duc de Bourgogne Philippe le Bon, qui met fin à la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons.

Grand Armorial équestre de la Toison d’or oeuvre collective (plusieurs peintres dont l’identité ne nous est pas connue) placée sous l’autorité de Jean Lefèvre de Saint-Rémy. Lille, 1435-1438, Gouache sur papier, 167 feuillets (290 x 210 mm) BnF, Arsenal (Cote MS-4790)

Une incursion gouachée dans les méandres de notre Histoire subtilement brossée par les explications claires et précises de Michel Pastoureau et par son dialogue avec Jean-Charles de Castelbajac, artiste et créateur de mode, qui par son trait imagi-naïf met en parallèle cet univers avec le notre.

Le Chevalier Jean-Charles, Jean-Charles de Castelbajac, 2017

L’image en est le point commun, de l’héraldiste à l’artiste, du blason au logo, dans un langage plus ouvert et plus terre à terre, pour consommateurs en quêtes de valeurs…


Michel Pastoureau et Jean-Charles de Castelbajac, Le Grand Armorial équestre de la Toison d’or, Coédition BNF / Seuil, 49 euros.

Minini Fleuriste – 30 rue Chaudronnerie

Comment définir le luxe ?

Par la surenchère ? Par le « bling-bling » ? Par le tapage d’objets censés vous crédibiliser aux yeux des autres ?

L’argent ne répond qu’en partie à la définition et la facilité des logos n’apporte bien souvent que la lumière artificielle d’une époque qui privilégie le virtuel au détriment du naturel.

Et pourtant !

Le véritable luxe est souvent ce qui se laisse oublier, le savoir-faire d’exception devient l’évidence, l’élégance invite le paraître à révéler l’être, et la simplicité se révèle plus que jamais dans la maîtrise du geste d’artisans chevronnés.

Le luxe est un travail manuel de longue haleine pour acquérir et obtenir la perfection de l’instant.

Tous les métiers (Restauration, alimentation, mode, joaillerie, fonderie d’art, ébenisterie…) sont concernés par cette recherche de la qualité, couronnée tous les trois ans par le concours du Meilleur Ouvrier de France qui depuis 1924 allie le respect des traditions à l’innovation.

Avancer sans rien renier pourrait être la devise de ces lauréats de l’excellence.

Parmi eux, Isabelle Minini, reconnue par ses pairs en 1997 dans la catégorie « Art Floral ».

Une satisfaction et surtout le plaisir d’un métier qui n’a pas toujours la délicatesse de ses objets, les lourdes charges, les horaires matinaux et le froid, demandent une motivation extrême, à l’image des métiers de bouche, entre rigueur et témérité.

Une force qui s’explique par le soutien indéfectible de sa famille et particulièrement de son père, l’artiste Jean-Marc Minini, qui a tout fait pour lui garder cet équilibre essentiel, loin d’une aventure parisienne un moment envisagée.

Ce concours a été le remerciement à cette confiance filiale qui lui a permis d’ouvrir en 1986 la boutique « Fiorella » à Fontaine-lés-Dijon et il y a 17 ans celle actuelle, à Dijon, dans le quartier des antiquaires.

De cette confiance émerge la volonté de ne pas être simplement marchande de fleurs mais décoratrice florale dans toute sa technicité.

Un travail de l’éphémère qui trouve sa constance dans l’univers créatif paternel et dans cette campagne de l’enfance où les fleurs invitent à butiner le destin.

Des racines solides et le goût de l’aventure sans fioriture.

Ici vous ne trouverez pas de petits bouquets étriqués noyés d’accessoires, Isabelle prône l’éthique de la saisonnalité, de la fleur de jardin qui seule apporte l’émotion du moment.

Un goût de l’authenticité et de la matière qui lui permet de montrer son travail dans de nombreuses expositions internationales.

Son style inimitable transforme le bouquet en geste, dans le respect de la fragilité et du sens de la pousse, autant de facteurs qui peuvent transformer la fleur fraîche en tableau vivant.

Une démarche artistique inspirée du savoir-faire de ses « concurrents », des norvégiens, belges et allemands qui ne gardent que l’essentiel en travaillant le végétal avec respect, aux japonais et thaïlandais dont les structures de bout de bois transportent les fleurs en « Land Art« , une tendance de l’art contemporain où la nature devient objet et non plus simplement sujet.

Isabelle trouve en ces voyages l’équilibre de la liberté pour elle même et ses créations, de l’épure des paysages japonais à la fraîche forêt tropicale des landes écossaises révélant des sculptures de lichens.

Revenue à Dijon il faut lutter entre sa volonté de nouveauté et les exigences un peu trop sages de la clientèle, privée ou d’entreprise, pour qui les fleurs sont le luxe d’un instant.

C’est toute la difficulté d’offrir une exception éphémère à un événement dont seule une image perdurera même si l’émotion du moment n’a pas d’égale.

L’art floral propose un condensé de vie quand beaucoup voudraient voir l’éternité.

C’est pourquoi, de plus en plus, les fleurs fraîches laissent la place aux fleurs en tissus, dont certaines conçues par des fleuristes, d’une merveilleuse réalité.

Isabelle les traitent comme des sculptures, là où elle octroie aux fleurs fraîches le geste du peintre, les fleurs en tissus apportent de la profondeur, entre malléabilité nouvelle et fragilité apparente.

Elles se prêtent ainsi à toutes les fantaisies jusqu’à la réinterprétation des Grands Maîtres.

Challenge du temps, d’un mot et de la matière que le musée Magnin avait lancé à Isabelle Minini pour son exposition « L’ordre de l’éphémère. Représentation de fleurs anciennes et contemporaine« .

Les fleurs modèles ne sont plus depuis longtemps, ne demeure que leur image arrivée jusqu’à nous depuis les ateliers des peintres néerlandais du XVIIe siècle et les salons bourgeois du XIXe.

En comparaison, c’est une oeuvre de l’instant, virevoltant bouquet au naturel, qui nous accueille. Appelée à durer cette composition fige l’éphémère tout en maintenant l’émotion.

Une touche de vie, de beauté et d’imagination inspirée, et non copiée, des oeuvres exposées.

Elle permet, entres autres, de préserver le geste d’une ouvrière de l’excellence, d’une artiste du présent, d’une coloriste innée, qui laisse respirer la nature pour la magnifier.


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