L’archiviste dans la cité – Un ver luisant

Vient de paraître aux Editions Universitaires de Dijon un ouvrage aux dimensions pratiques qui permet de voyager léger dans un univers, qui bien que réceptacle de souvenirs familiers, est peu exploré.

Les archives traînent des casseroles dont le bruit ne raisonne souvent qu’au cœur de l’actualité, ainsi une fois les « affaires » classées les rats de bibliothèques peuvent trier et conserver le silence des ragots au même titre que les poussières recouvrant ces clichés sépia.

Un bestiaire péjoratif comme une panoplie professionnelle, entre fourmis et souris, dont le ver luisant sous la plume de Balzac* a le mérite de la poésie et de l’efficacité éclairante, même si elle tient en quelques lignes dans le roman de la vie.

L’archiviste est certes discret mais pas muet, c’est pourquoi Edouard Bouyé, directeur des Archives Départementales de la Côte-d’Or depuis 2013, nous propose un autoportrait peint de l’expérience et d’une personnalité entraînante.

Un mémoire dont l’approche de la fonction ne se départ pas du sensible et de certaines polémiques.

On y découvre que le métier d’archiviste demande des capacités que ne peuvent plus satisfaire les victimes du placard professionnel des collectivités, un statut de « dernière roue du carrosse » qui perdure même si les jeunes diplômés, amoureux du patrimoine, savent s’adapter à toutes les époques pour faire évoluer les poncifs.

Pour se faire la formation est primordiale, de l’école nationale des chartes, dont Edouard Bouyé est issu, qui prépare aux métiers de la conservation du patrimoine écrit en France, aux nombreuses formations universitaires professionnelles qui depuis dix ans ont fleuri sur le territoire, à l’image de la licence APICA de l’IUT de Dijon.

Un apprentissage solide qui doit offrir la polyvalence nécessaire à la variété d’un métier fait de conservation, de compréhension et de persuasion envers un organigramme dont le zénith est très éloigné du Service des Archives.

Edouard Bouyé par le nombre de ses anecdotes, au réalisme philosophique, laisse transparaître que la passion est le deuxième moteur indispensable à l’archiviste.

Une qualité essentielle et communicative depuis l’arrivée d’internet.

Pour les archives « le numérique est une révolution silencieuse mais glorieuse« , un moyen d’émerger tout en développant leur fonction essentielle de communication des documents. (30 millions de pages consultées en 2015 sur le site des archives départementales de la Côte-d’Or)

Etre plus proche des « lecteurs » demande à l’archiviste une acrobatie entre le respect des normes internationales de l’archivistique et les besoins d’un accès de plus en plus aisé, et ciblé, à l’information.

Une alliance du technique et de l’humain émerge dans ce livre à travers le récit des multiples rencontres d’Edouard Bouyé avec des personnes à la recherche de vérités, sur des membres de leur famille, ou de leurs origines, en cas d’adoption, des dossiers conservés qui font des Archives, et de leur responsable, le gardien de lourds secrets.

Car ces « vieux papiers » sont autant de vies qui ne demandent qu’à s’exprimer à nouveau.

Archives publiques mais aussi archives privées, de famille, qui par les tourments du XXe siècle éclairent l’intimité de l’Histoire.

La Grande Collecte, lancée en 2013 afin de récolter et numériser les archives des français relatives à la Grande Guerre, a été un succès qui montre l’attachement du public à ses racines.

Les Archives Départementales, en se faisant le dépôt de cette mémoire « populaire » donne une force au souvenir de chacun, une volonté d’offrir aux historiens-chercheurs un passé sous un jour moins officiel, complément des archives publiques.

Edouard Bouyé l’écrit et l’affirme : « Vos archives nous intéressent !« , et pour se faire permet par la parole de réveiller les mémoires.

La lecture d’archives, que ce soit un diplôme de l’Empereur Louis le Pieux daté de 836, plus ancien document conservé aux archives de la Côte-d’Or, ou une lettre de Poilu, permet de faire revivre une époque d’autant plus facilement qu’elle est proche de nous.

Ainsi, le 4 octobre 2014, dans le salon des hommes de guerre du château de Bussy-Rabutin, le choc des conflits nous a entrainé dans les « paysages intimes » lus par Edouard Bouyé, auteur des textes d’introduction, et le comédien Thibault de Montalembert. (Cliquez sur le bouton lecture pour en entendre un extrait)

Des archives vivantes pour tous, tel est le combat de ces nouveaux archivistes dont Edouard Bouyé livre les joies et les contraintes d’un métier à découvrir dans un petit livre, qui, tel le ver luisant, se veut arme de séduction dans la discrétion.


Edouard Bouyé, « L’archiviste dans la cité – Un ver luisant« , Editions Universitaires de Dijon, collection « Essais », février 2017, 105 pages, ISBN 978-2-36441-200-2


* Honoré de Balzac, Ferragus, 1833