Musée d’Art Sacré – 17 rue Sainte Anne

Ralliez-vous au dôme de cuivre vert, surmonté d’un globe à la croix dorée, pour trouver l’un des musées de la ville de Dijon le plus spirituel et magique qui soit à un mois de Pâques.

Musée d’Art Sacré – Eglise Sainte Anne – XVIIe siècle

L’église Sainte Anne, sainte patronne de Dijon, était le sanctuaire du monastère des Bernardines qui abrite aujourd’hui le musée de la vie bourguignonne.

Classée monument historique en 1945, et depuis désaffectée, elle est le réceptacle du musée d’Art Sacré, créé en 1979, afin de recevoir les objets ayant pour but l’expression du sacré.

Objets qui ne trouvaient plus leur place après Vatican II, où qui pouvaient être exposés, notamment dans les campagnes, aux vols qui se multipliaient alors.

Musée d’Art Sacré – Intérieur de l’église Sainte Anne – Autel en bois et marbre polychrome réalisé par le sculpteur dijonnais Jean Dubois (1625-1694)

Dijon est l’une des première ville à se préocuper du sort de ces objets, passant du cultuel au culturel.

Son créateur et premier conservateur est Jean Marilier (1920-1991), chanoine de la Cathédrale de Dijon, historien, médiéviste et conservateur des Antiquités et Objets d’Art de la Côte-d’Or (1970-1988).

Son travail considérable permet d’embrasser du regard neuf siècles, du XIIe au XXe, de l’art sacré en Bourgogne et de suivre à travers la peinture, la sculpture, l’orfévrerie, le mobilier et les ornements liturgiques l’évolution du goût et du culte souvent très différent de celui pratiqué de nos jours dans les églises catholiques.

Vierge à l’enfant, anonyme, bois polychrome, XIVe siècle, provient de l’église de l’Assomption de Vandenesse-en-Auxois

Le musée met aussi l’accent, par des objets et des panneaux éducatifs, sur la vie des moniales de différentes congrégations (Bernardines, Carmélites, Cisterciennes…), leur quotidien entre pratique religieuse et les différentes activités, dont l’éducation des jeunes filles.

Mais regardons d’un peu plus près certains objets, choisis pour leur histoire, leur aspect curieux ou ludique, pour leur richesse ou simplement pour leur beauté.

Commençons par Le petit roi de Grâce qui provient du Carmel d’autun.

Le petit roi de Grâce entouré d’ex-voto, plâtre peint, drap d’or, fourrure, pierres précieuses, verre taillé, perles, métal doré et bois, XIXe siècle, provient du Carmel d’Autun

Cette figure enfantine, aux traits d’un beau poupon richement vétu, trouve son origine au Carmel de Beaune dont les moniales, et particulièrement la fondatrice Marguerite du Saint-Sacrement, ont beaucoup prié pour que la Reine Anne d’Autriche, après 22 ans de mariage, ait enfin un Dauphin à offrir à la France.

Voeux exaucés le 5 septembre 1638, ce qui vaudra à ce Carmel les largesses royales .

Marguerite du Saint-Sacrement fera alors rayonner l’esprit d’enfance, entre le prince appelé à régner et le roi éternel, Jésus, créant une figure nouvelle dans la vénération christique.

Nous retrouvons ici l’une de ces figures, datant très certainement des débuts de la Restauration, qui a fait l’objet de dons et d’ex-voto, particuliérement de Croix de la Légion d’Honneur.

Dualité étonnante, de l’offrande d’un ordre à l’origine militaire, afin d’obtenir des grâces auprés de l’image du rédempteur des plaies du monde.

Autre curiosité, mystique : Un Paradis sous vitrine. Représentation miniature, où huit novices et quinze professes vaquent à leurs activités quotidiennes tandis qu’à une échelle sur-humaine, qui marque la supériorité divine, une Crucifixion domine le paysage bucolique.

Paradis, verre filé, verre soufflé, terre cuite, papier, bois, coquillages, végétaux séchés, gravure sur papier découpée et collée, XVIIIe et XIXe siècles, Provient du Carmel de Dijon puis de Beaune

Allégorie étonnante, entre le rêve spirituel et l’objet d’une foi ardente, à la représentation très médiévale, même si nous sommes au XIXe siècle, la grotte de Lourdes étant représentée juste au dessus de la Vierge.

Plus quotidien dans la pratique du culte, un fer à Hosties du XVe siècle, un outil au combien utile dans une congrégation.

Fer à Hosties, acier forgé et gravé, XVe siècle

On note aussi la présence de nombreuses reliques dont l’Eglise a abandonné l’usage lors des différentes réformes religieuses.

Reliquaire d’une côte de Saint Bernard, Abbaye de Clairvaux

Des meubles entiers sont les présentoirs de ces ossuaires mystiques.

Présence aussi de nombreuses statues de saints, de différentes époques mais toujours d’une grande qualité qui en a fait classer bon nombre par les monuments historiques.

Saint Sébastien, anonyme, bois polychrome, XVIIe siècle, Provient de l’église Saint-Bernard de Fontaine-lès-Dijon

Une bonne façon de les préserver des pilleurs-revendeurs.

Le musée d’art sacré expose aussi des objets liturgiques et de piété d’une grande richesse, par les matériaux et l’ornementation.

Dans le choeur des religieuses, la présentation particulièrement somptueuse de l’orfévrerie, par époque, permet de marquer l’évolution de la manière.

Orfévrerie, XIXe siècle, ciboires, burettes et plateaux, calices et paténes, argent et laiton doré

Se trouver face à ces vitrines étincelantes montre toute la magnificence et le décorum que l’Eglise, jusqu’au milieu du XXe siècle, a mis en place pour marquer le sacré de la plus belle des façons.

Prestige des métiers d’art qui a permis de faire vivre de nombreux artisans, tout en perpétuant des savoir-faire que des objets moins voyants n’auraient pas portés aussi haut.

Non loin de ces cascades de cristal et d’argent doré, on peut apercevoir l’objet le plus délicat du musée.

Un crucifix, avec son écrin d’origine, que le Pape Alexandre VII a offert à l’ex-Reine Christine de Suède qui venait de se convertir au catholicisme auprès du Souverain Pontife.

Crucifix dit de Christine de Suède (1626-1689), Reine de Suède (1632-1654) ; cristal de roche, coquille de coco, améthyste, rubis, diamant, lapis, agathe sardoine, or ; Italie, XVIIe siècle ; Provient de l’hôpital général de Dijon

Lors de son retour de Rome, la Reine Christine passe par Dijon, le 27 août 1656, reçue selon son rang et assez ravie de cet accueil pour l’offrir à un ecclésiastique, aujourd’hui inconnu, qui le revendit rapidement à l’Abbé Montcrif, chanoine et doyen de l’Evêché d’Autun.

On en perd ensuite la trace, pour le retrouver en 1742 acheté par Claude Joly, prètre de Saint-Nicolas de Chatillon, dont le petit-neveu hérite bien des années plus tard pour enfin l’offrir, en 1859, à l’hôpital général de Dijon afin d’être placé, à perpétuité, a proximité du tombeau du Bienheureux Bénigne Joly.

La perpétuité s’est éteinte dés le début du XXe siècle, pour des raisons de sécurité aux vues de la richesse de l’objet, et ce n’est que depuis 2012 que ce crucifix, papal et royal, est à nouveau visible, tout en étant toujours la propriété du CHU de Dijon.

Que de belles histoires ce musée ne recèle-t-il pas ?

Voyagez en Bourgogne sur le mode liturgique, découvrez le sens premier des objets cultuels et ressentez l’évolution des pratiques et des sensibilités religieuses.

Car le sacré, alliance de l’inaccessible et de l’espoir, porte en ce musée la clé de bien des bonheurs.

Le premier est de retrouver, par l’image, un principe essentiel de toute croyance : le sens des valeurs.

Jacques 1er Laudin, La charité de Saint Martin, Limoges, émail sur cuivre, après 1650, Dépot du Musée des Beaux-Arts de Dijon, collection Dard

Le musée d’Art Sacré de la ville de Dijon est classé Musée de France.

L’entrée est gratuite et ouverte tous les jours, sauf les mardis, ainsi que les 1er et 8 mai, le 14 juillet et les 1er et 11 novembre, le 25 décembre et le 1er janvier