L’art contemporain évite l’évidence, tourne le dos à la nature en la réinventant, et s’oppose au conformisme au risque d’être un mystère, souvent incompréhensible de « la masse ».
En rupture avec le maillage culturel éclairé, mis en place par André Malraux dans les années 60 (Maisons de la Culture), bon nombre d’associations urbaines, de « libre pensée » ont émergées dès 1970.
Elles se veulent, alors, les lieux d’un discours décomplexé et le champ d’expérimentations « plastiques » en tous genres.
Pour celles qui ont survécu (…) elles ont un poids indéniable dans le libéralisme du marché de l’Art que nous connaissons aujourd’hui.
C’est le cas de l’association « Le Coin du Miroir » fondée à Dijon en 1977 par Xavier Douroux et Franck Gautherot.
Devenue au fil des années, des alliances et des lieux d’exposition, Le Consortium.
Premier centre d’art contemporain conventionné, en 1982, par la délégation aux arts plastiques du ministére de la Culture.
Désormais une Institution, indépendante, qui va fêter ses 40 ans, en utilisant, pour se faire, le truchement d’un autre anniversaire, celui du Centre Pompidou.
De l’esprit contestataire des débuts que reste-t-il ?
Xavier Douroux : « Je crois qu’on a beaucoup changé, mais malgré tout il y a quand même des lignes de force qui restent et on est toujours dans cette même capacité à dire « C’est maintenant que ça se passe ! ». Et cela permet de suivre, dès aujourd’hui, l’itinèraire d’un artiste dans les années qui vont venir« .
En cette fin d’année, et jusqu’au 19 février, trois artistes sont à l’honneur, R. Graham, D. Hominal et F. Vaerslev.
Trois visions, deux générations.
Intéressons nous au plus reconnu des trois, Rodney Graham, canadien, artiste de la scéne de Vancouver, représenté par les meilleures galeries, de New York, Londres et Zurich.
Le titre de son exposition pose les jalons d’une vision particulière du métier : « You should be an artist« .
« Vous devriez être un artiste »
Rodney Graham ne se voit pas juste comme un créateur, mais comme un conteur d’histoires, qui souvent le mettent en scène.
La dualité : L’oeuvre de l’artiste et l’artiste dans l’oeuvre, offre toujours un questionnement particulier qui, ici, prend un tour décalé, aux limites de l’ironie, voir de l’humour.
Ses photos rétro-éclairées, uniques, dyptiques ou tryptiques, le représentent grimé en un artiste-personnage, emblématique ou caricatural de leur époque, soit musicien, peintre du dimanche, gardien de phare maquettiste, fou rêveur, ou en manque d’inspiration dans un bar.
Dans ces images, les univers varient, mais reste toujours un sens de la reconstitution, de la mise en scène, du détail, qui fait de chaque objet du décor une oeuvre d’exception.
On les retrouve, d’ailleurs, échappés de l’image, fragments d’art explicatifs du Tout, en même temps qu’hommage aux artistes et courants d’art passés.
Ainsi la réalisation du dilletante du dimanche (ci-dessus) s’inspire de l’oeuvre de Morris Louis, artiste américain du color field.
De même une série de sculptures en fils métalliques (Pipe Cleaner Sculpture) évoque l’Arte Povera, une attitude artistique et sociale, née en Italie dans les années 60, en rébellion contre la société de consommation.
Le geste créateur surpassant l’objet fini.
Evocation aussi, dans une série de tableaux, de l’artiste Lucio Fontana, avec ses monochromes maltraités, mouvement du « Spatialisme » où la toile doit s’ouvrir largement au delà de son environnement pictural.
Inspiration d’artistes majeurs des années 60, mais aussi des dessins d’humour que l’on pouvait trouver dans les magazines masculins des années 50.
Caricature de l’art contemporain, et de ses amateurs, dans un jeu de miroir…

… Devant ces compositions abstraites, presque identiques, allez-vous vous poser la même question que ces deux hommes ?
Ironie, sens du détail, références, l’art de Rodney Graham est riche à plus d’un titre.
Il pourrait être comparé, en cette période de fêtes, à un calendrier de l’avent, dont les fenêtres ne cessent d’élargir l’univers artistique.
Par références, par déférence et par passion d’un art qui n’oublie pas sa vocation première : élever celui qui le regarde.