Moutarderie Fallot – Rue de la Chouette

Les spécialités culinaires sont-elles le reflet de la personnalité des villes qui les ont vu naître et qui font aujourd’hui leur renommée au niveau national, voir international ?

Dijon s’incarne t-elle dans la moutarde ou la moutarde incarne t-elle Dijon ?

Dans le Monde le mot et le nom semblent indissociables, passant du propre au commun¹, même si les productions varient et ne rendent ni comptes ni justice à une capitale de la gastronomie.

Un savoir-faire qui dès le début du XIVe siècle est remarqué dans divers documents², la « moustarde » est alors le produit du mélange de vin aigre tiré du moût de raisin et de graines de sénevé broyées au goût affirmé, qui donne au terme une origine latine gustative : « Mustum »  (Le moût) et « Ardens » (Ardent).

Ce n’est donc pas la devise « Moult me tarde » du premier duc de Bourgogne de la branche Valois, Philippe le Hardi (1342-1404), qui est à l’origine du mot.

La ville de Dijon très aimable envers ce prince, jusqu’à lui fournir en 1388 une troupe de mille hommes pour l’aider à conquérir la Flandre, y gagne alors le droit de porter cette devise sur son blason.

« Moult me tarde » : « Il me tarde beaucoup« , sous entendu d’aller au combat, résonne d’une ardente dynamique pour le Dijon d’aujourd’hui qui se veut Capitale.

Un désir d’avenir, de conquête de nouveaux marchés, qui passe souvent par un retour aux sources, au vrai et à un savoir-faire unique au service de nos goûts changeants.

La moutarderie Edmond Fallot, qui fonctionne à Beaune, sous ce nom, depuis 1928, a rompu en 2014 le mauvais sort qui éloignait de plus en plus Dijon de sa spécialité.

Dans la boutique-atelier vous pouvez assister à la fabrication à Dijon d’une véritable moutarde, depuis la fermeture de l’usine Amora-Maille en 2009, une moutarde au Meursault réalisée avec 100% de graines cultivées en Bourgogne, réintroduisant une pratique perdue depuis la fin de la seconde guerre mondiale au profit de l’exportation canadienne.

Tradition-Spectacle pour la fabrication sur place d’une moutarde au Meursault réalisée avec 100% de graines de Bourgogne

Un espace de promotion de la tradition et de vente à nos désirs de saveurs et de couleurs.

La partie atelier à la décoration subtilement surannée est un écho aux bâtiments d’origine de la moutarderie, à Beaune, non loin des Hospices, qui depuis 1840 abritent la fabrication des moutardes et vinaigres selon des méthodes traditionnelles.

Fallot est la dernière grande moutarderie familiale de Bourgogne a continuer à broyer les graines à l’aide de meules de pierre, préservant ainsi à la pâte toutes ses qualités gustatives.

La moutarde de Dijon y retrouve ici ses lauriers de gloire car malgré ce que son nom laisse à penser il ne s’agit pas d’une appellation d’origine, « Moutarde de Dijon » relève simplement d’un procédé de fabrication à usage international.

Il s’agit généralement d’une moutarde lisse dont la pâte a été mélangée à du vinaigre et plus typiquement du verjus (Jus de raisin vert) qui donne à la préparation son piquant caractéristique.

Pour rendre à cette moutarde de Dijon son identité locale l’ajout de vin blanc aligoté, en lieu de vinaigre, la transforme en « Moutarde de Bourgogne », toujours lisse et forte avec un surcroit de finesse qui lui accorde une personnalité unique reconnue IGP (Indication géographique protégée).

En moutarde Dijon est de partout tandis que la Bourgogne est bien de chez elle…

Ecran interactif pour Culture moutardière

Une saveur réappropriée qui permet, grâce à cette base solide, toutes les alliances gustatives.

Dijon lui offre le pain d’épices et le cassis, la Côte-d’Or y associe ses grands vins, Meursault pour sa production dijonnaise et Pommard pour des fêtes dorées à l’or fin et la Bourgogne lui procure Marc, truffes et Chablis dans le sillage de l’étoile  gastronomique « Bernard Loiseau » pour des saveurs inédites et des goûts exotiques dont le chef du relais, Patrick Berton, à le secret : cépes et thé fumé, aneth et citron, feuilles de coriandre et oranges confites.

Des voyages en territoires de terroirs qui permettent des jumelages jusqu’alors inconnus :  piment d’espelette, miel et vinaigre balsamique de Modéne ou sirop d’érable relevé de romarin.

Unions que l’on peut juger contre nature mais qui font le sel d’une vie de papilles.

Aussi pour les plus classiques un retour au vert s’impose en poivre de même couleur, basilic ou estragon, une entente de plantes pour la simplicité du bon.

Le choix reste à faire parmi ces 32 variétés propres à titiller les assiettes et palais.

Heureusement la boutique se veut ludique à plus d’un titre : le « Bar à moutardes » (Ci-dessus) permet de goûter les pluriels pour des plats singuliers avec une pincée de conseils avisés, le « Vrac » se la joue écolo pour remplir les pots de grés des classiques maisons au fil de votre consommation et le « Distributeur » de mini-pots (Ci-dessous) joue les casinos pour un euro.

Une proposition qui revient aussi aux sources aigres-douces par la vente de vinaigres, aux combinaisons aussi riches que les moutardes (Vin blanc aux herbes de Provence, vin rouge cépage Merlot, litchi & rose, vanille et curcuma), de cornichons, de la marque et de la maison Marc et d’une confiture de moutarde élaborée par Franck Bourgeon pour une utilisation façon Chutney en association avec un foie gras ou du chèvre.

Les parfums, couleurs, saveurs, mélanges, associations et propositions offrent toutes les audaces du bon goût à partir de simples graines, vendues en sac de jute estampillé, dont la saveur après transformation, comme un défi, est une source d’inspiration pour la ville, la région et l’entreprise qui y est associée : relevée !


La boutique est ouverte 7 jours sur 7 de 10h à 19h.

A Beaune, 31 rue du Faubourg Bretonnière, la moutarderie Fallot se visite suivant deux parcours : « Découverte » et « Sensations fortes » entre Histoire et mise en scène.


Les graines de moutarde entrent aussi dans la composition d’un savon local, AMOA, à découvrir ici.


¹ Etienne Tabourot, « Les bigarrures et touches du seigneur des Accords. … », 1603 – A lire ici.

² Dans le Cartulaire d’Igny (Abbaye cistercienne fondée en 1127 par des moines de Clairvaux) on trouve en 1323 un certain Gilles dit moustardier.

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