Bibliothèque patrimoniale et d’étude – 3 rue de l’école de droit

Quand une exposition pousse à l’exhibition de livres ouverts et offerts en provenance de l’Enfer*, vos amis rechignent moins à vous accompagner sur ces « Scènes de plaisir » dont les vitrines peep-show dévoilent des écrits et images à rendre majuscule le X d’une position généralement si sage.

Les équipes de la bibliothèque patrimoniale aiment à renverser les clichés, pointer l’originalité et dévoiler les dessous affriolants d’un univers dont le sérieux n’engendre pas la mélancolie.

Lire est un plaisir qu’il faut quelquefois agrémenter pour le partager.

Franchir les portes d’un temple de la culture demande parfois une carotte au goût de péché.

De textes léchés en grivoiseries salaces, de gravures en luxure, de menus en histoires d’O à la bouche, voici une exposition qui ne fait pas dans la dentelle si ce n’est celles des frou-frous indicateurs de ces objets qui ne demandent qu’à s’offrir.

Le XVIIe siècle est l’ensemenceur du libertinage de chair et d’idées (Le bourguignon Bussy-Rabutin et sa fameuse Histoire amoureuse des Gaules) que le siècle des lumières porte à des sommets inégalés, de l’illustration des « culbutes » érotiques de la Régence, aux lettres intimes dévoilant les liaisons dangereuses, en passant par les visions sadiques du divin marquis jusqu’aux prémices des droits de la femme (The fruit-shop) encore simple « réceptacle ».

Le plaisir libère les pensées et certaines idées alors révolutionnaires.

Le XIXe siècle bourgeois abandonne la liberté de penser pour le privilège de jouir, tantôt censeur de gravures et d’écrits qui se vendent alors sous le manteau et tantôt noceur, profiteur d’une promiscuité féminine entre bordel et illustrations licencieuses de menus virils.

Menu du 275e dîner du Cornet, au restaurant du Journal à Paris, le 9 janvier 1930

Une tradition jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, qui voit la démocratisation en même temps que la débandade d’un érotisme fouillé.

Aux gravures inspirées de Fragonard et aux « Ragionamenti« , série de propos d’une prostituée à divers interlocuteurs, de l’Arétin (1589) succèdent les cartes postales kitsch dont l’humour potache inspire la vie de bon nombre de nos contemporains…

Car ces objets de curiosité qui font plus ou moins sourire, marquent l’évolution des moeurs, les différentes époques qui successivement ont construit la notre.

Des documents « archéologiques » précurseurs de notre société ou le sexe est « totem suprême ».

Ils font échos à cette volonté de féminité parfaite construite par la chirurgie, ou à ces séminaires de virilité dont les épreuves de force veulent faire perdurer les clichés inscrits dans ces livres.

La possibilité d’une telle exposition implique une liberté de moeurs qui a évolué en obligation de plaisir, nécessaire au bonheur, tandis que le panneau « Interdit aux moins de 16 ans », à l’entrée, se heurte aux réalités « cinématographiques » qui découlent de ces documents et qui inondent les smartphones des collégiens ou des primaires, privés de cette éducation patrimoniale par une époque sexo-schizophrène.

Car au-delà du clin d’oeil et du dépoussiérage de l’image coincée des bibliothèques, c’est toute une évolution de l’érotisme et du plaisir qui est refusée au seul public qui aurait besoin d’une éducation à ce propos**.

Déjà dans l’action mais privé d’images !

On peut aussi déplorer la quasi abscence dans les collections, ou seulement dans l’exposition (?), de références à l’érotisme homosexuel.

Seul un livre ouvert sur quelques photos du couple d’artistes Pierre & Gilles lève le voile sur des pratiques extrêmes, clichés certainement moins tabous qu’un simple baiser qui devrait pourtant se montrer pour pallier à la montée de l’homophobie dans notre pays, particulièrement chez les adolescents…

Les éditions Gay Kitsch Camp ont pourtant de 1989 à 2006 réédité de rares curiosa dont un texte datant de la révolution française qui prône le respect entre les sexes, l’égalité des sexes et la liberté de tout lien d’affection.

Une exposition à ne pas manquer, une initiative à saluer même si la bibliothèque patrimoniale perpétue, logiquement, une morale dont elle est la gardienne.


Exposition « Scènes de plaisir » à voir jusqu’au 1er juillet, entrée libre.

Visite commentée le vendredi 23 juin à 12h30 (03.80.44.94.14)


Une exhibition en accord avec les rencontres littéraires CLAMEUR(S) qui les 23, 24 et 25 juin réunissent le temps d’un week-end des auteurs et des artistes autour des tourments de l’amour. (Programme disponible le 8 juin)

En attendant, pénétrez cette thématique par une série de conférences et un concert, à découvrir ici.


*L’Enfer est le lieux clos d’une bibliothèque où l’on place les livres dont la lecture est jugée dangereuse.

** Un manuel scolaire va tout de même, à la prochaine rentrée, proposer aux collégiens une représentation exacte du clitoris et de sa fonction de plaisir… Ici.

Opéra de Dijon – La Flûte enchantée

Le printemps arrive, annonciateur des désolations de l’été, de ce soleil ravageur qui vous étouffe et calcine les verts paturages devenus désert au sol blanchi, craquelé et stérile.

Eh oui la « Belle saison » n’a rien de féérique !

Tel est le décor d’ouverture de cette Flûte enchantée présentée à l’Auditorium et pour la première fois à Dijon en version originale, en langue allemande surtitrée en français, et sur les instruments d’époque des Talens lyriques, un ensemble de musique baroque créé et dirigé depuis 1991 par Christophe Rousset, claveciniste.

Le célèbre opéra de Mozart qui dès sa création en 1791 connu un énorme succès, encore aujourd’hui toutes les dates étant complètes, est en fait un « Singspiel », une sorte d’opéra-comique qui se caractérise par l’alternance de dialogues parlés et d’air chantés et par une atmosphère « magique » où le bien et le mal s’opposent.

Cet espace dévasté, cette lande délaissée, où seuls demeurent des hommes, nomades, vêtus de déchets en surnombre et coiffés de crânes d’animaux, hommage posthume à la faune disparue, est le territoire de la Reine de la Nuit.

Maquette du décor du Ier acte par ©David Lescot

Une nuit caniculaire qui oppose sa souveraine à un ancien amant, Sarastro, dans la lutte pour la garde de leur fille adorée, Pamina.

La jeune fille se trouve écartelée entre le royaume de sa mère, une terre devenue enfer, et le temple souterrain de son père, décor du IIe acte, un centre commercial désaffecté où elle est tenue prisonnière.

C’est ainsi que la Reine confie à un jeune homme, le prince Tamino, le soin de délivrer sa fille des griffes d’un père qu’elle ne connait pas.

Muni d’une flûte enchantée qui l’aidera dans sa mission et accompagnée de Papageno, un étrange oiseuleur rencontré au début de son périple, Tamino pénètre dans un univers parallèle au nôtre, miroir à peine déformé.

Ainsi, la lutte entre la Reine de la nuit et Sarastro se joue en guerre des sexes dont l’enfant est le centre stratégique, et le temple de Sarastro, lieu de spiritualité et d’ascèse s’oppose à sa zone refuge, supermarché au mercantilisme et à la surproduction en deliquescence.

Une scénographie qui interroge notre quête de bonheur absolue, qui souvent se mesure aux degrés de lumière et à la quantité d’objets qui réchauffe notre coeur de consommateur.

Elle oppose la souveraineté obscure, sommet des plaisirs mercantiles au chant de furie, hypnotique, à une spiritualité « éclairée » censée rendre l’Homme meilleur, nouvelles vertus eco-responsables.

Air de la Reine de la Nuit – « Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen » – Acte 2

A l’origine, Mozart opposait une certaine forme d’absolutisme, dont il a été victime à Salzbourg, à la lumière des loges maçonniques, dont il était membre, censées accueillir chacun selon ses qualités et non ses origines pour refonder une humanité égalitaire.

La musique devient alors une arme contre les dérives d’un pouvoir autoritaire, la flûte enchantée et les clochettes de Papageno permettent non pas de lutter contre le mal mais de se découvrir intérieurement, par un chemin d’épreuves, et extérieurement, par l’alter ego qui partagera votre parcours.

A chacun sa chacune – Tamino & Pamina, Papageno et son ôde à « Papagena » – Acte 2

La mise en scène de David Lescot, les costumes de Mariane Delayre, qui ont fait l’objet d’un financement participatif « Habillez nos chanteurs », la magie des Talens Lyriques et l’agilité du choeur de l’Opéra de Dijon et de la Maitrise de Dijon, révèlent tout l’aspect onirique du dernier chef-d’oeuvre de Mozart, testament virtuose qui demande à réinventer le monde en le réenchantant.

Croquis des costumes des créatures dessinés par ©Mariane Delayre

En écho au jeune Mozart qui le 16 juillet 1766, à l’âge de 10 ans, a donné un concert à l’Hôtel de Ville de Dijon, actuelles Archives Départementales, 8 rue Jeannin, les enfants se réapproprient son dernier chef-d’oeuvre.

La Flûte (ré)enchantée est un programme pédagogique initié par l’Opéra de Dijon dans le cadre de ses activités culturelles avec une classe de 6e du collège Henri Dunant de Dijon.

Les élèves ont travaillé le chant et la dramaturgie de cette Flûte, réécrite et mise en scène par Ismaël Gutiérrez, tandis que la musique est assurée par l’Orchestre des Jeunes des Talens Lyriques, élèves de 3e du collége Balzac, Paris XVIIe.

Une réinterprétation juvénile, clin d’oeil heureux à la fantaisie de Mozart, à découvrir le 23 mars à 18h30 dans le foyer de l’Auditorium de Dijon en avant-spectacle de la représentation de La Flûte Enchantée de 20h et le 31 mars à Paris (Lieu à définir – Renseignements au 03.80.48.82.52)

GéNéRiQ – Le festival des tumultes musicaux en villes

GéNéRiQ met depuis 10 ans l’eau à la bouche des afficionados musicaux qui ne veulent pas être à l’Ouest des nouvelles tendances annoncées par ce festival de Bourgogne-Franche-Comté, avant-garde des Eurockéennes de Belfort.

Une pré-collection d’artistes de tous styles, de toutes époques et de tous horizons pour une organisation symphonique entre Le Moloco (Audincourt), Le Noumatrouff (Mulhouse), La Rodia (Besançon), La Poudrière ( Belfort) et La Vapeur (Dijon).

Une mélodie citadine pour lieux intimistes, monuments de prestige et endroits bizarres qui ne s’ouvrent pas toujours aux notes, tout au moins aux rythmes que peuvent leur imposer le rock rageur de Shame, la folie de Super Parquet ou l’électro pop classieuse de Paradis.

Un festival pochette surprise aux 53 artistes, 38 lieux investis et 21 rendez-vous gratuits, pour une fête ouverte entre scène locale et internationale.

Le pompon de ce manège musical étant en ouverture, le mardi 14 février, bien que doublé déjà complet, le concert de Patti Smith dans la chapelle de Ronchamp, seule exception à la règle urbaine, à la demande express de la marraine du punk, pour une offrande, à ce lieu de culte et de design du Corbusier, de ses œuvres entre poésie Beat et garage Rock.

Un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO qui comme le centre ville de Dijon bruisse des notes de la vie aux gammes multiples.

Trente artistes pour la capitale de la grande région avec pour point de ralliement quotidien le Cellier de Clairvaux, afin de prendre un verre, croquer l’appétit, fabriquer de belles choses en famille ou entre amis et assister à un concert différent, et gratuit, chaque soir, du 16 au 18, à partir de 18h30.

Jeudi, rythmes indie soul avec l’islandais aux accents Motown Jùnius Meyvant, vendredi,  les frangins américain Tonstartssbandht se la jouent stoner-indie-foutraque pour un style qui matraque et samedi rock & roll qui trinque au Bourbon, à la boue et au sud des Etats-Unis avec King Mud.

De quoi voyager, bouger et se lâcher sur un m² !

Le festival s’ouvre à Dijon mercredi 15 février à 20h à l’Atheneum, centre culturel du Campus, par une création totale à regarder et écouter « Sympathetic Magic« , un concert dansé co-signé par Peter van Poehl à la musique et Héla Fattoumi et Eric Lamoureux de Via Danse, le centre chorégraphique national de Franche-Comté à Belfort.

Une création régionale à l’effet boomerang entre musique pop, voix cristalline, guitare et percussions qui dialoguent avec deux corps entremêlés sur scène, de quoi vibrer en se sentant bien au chaud comme dans un petit cocon.

Laissez vous aussi bercer par la Péniche Cancale qui vogue gratis, jeudi 16 à 18h, aux rythmes de la techno tribale de Pouvoir Magique pour une rave en plein air et de l’afro-electro de SSCK (Mawimbi), un DJ marionnettiste des kids défoulés.

Le soir à 21h soirée hip hop avec Roméo Elvis, rappeur en mode Snoopy sympa, et Abdu Ali, rappeur queer et résistant du respect à travers la musique, tandis que le vendredi 17, même heure, les trois suisse d’Olten n’offrent pas de remise sur le noir, sombre introduction à l’électro industrielle de Horskh, duo bisontin qui veut tout faire péter.

Lieu plus classique, la salle de Flore du Palais des Ducs invite au bal métal acoustique des belges Amenra, du hardcore charnel qui promet de : « Transpercer ton petit corps »… Si intéressé rendez-vous jeudi 16 à 20h30 !

Autre trésor du patrimoine censé être sage, la salle des Actes (Ex-Rectorat), 51 rue Monge, offre des concerts ouverts à tous, vendredi 17 à 18h avec Super Parquet pour de la musique traditionnelle transcendantale, une expérience totale garantie entre la fête du village en Auvergne et le Technival dans le Larzac. Dimanche 19 à 16h même endroit pour une excursion au son de Bayonne, un DJ américain, groupe solitaire aux entités électroniques fumantes.

Au Consortium, haut lieu dijonnais de la création contemporaine, le mariage est plus naturel, avec la programmation saisonnière pointue de son département musique « Ici L’Onde« .

Les rencontres GéNéRiQ n’en sont pas moins riches de découvertes avec vendredi 17 à 20h le punk electro de HMLTD, à faire rougir les Sex Pistols, et le post pop punk de Kite Base à la mélodieuse noirceur d’un complexe origami musical.

Dimanche 19 à 18h ambiance apaisée avec le duo français Paradis qui propose une electro-pop romantique, sensation parallèle à l’océan de douceur offert par le canadien Andy Shauf tandis que l’australien Alex Cameron nous invite à apprendre de ses rythmes cabossés.

Les enfants ne sont pas en reste de bons sons et de leçons avec La Minoterie qui leur propose samedi 18 à 14h un atelier « Appli qu’on nous » animé par la Gaîté lyrique, suivi d’un concert de musique rock dès 6 ans par Pick’O’Rama de Mamoot.

Enfin en point d’orgue la flamande An Pierlé nous entraîne aux harmonies divines de sa voix puissante et sensuelle vouée aux lieux de culte, de la cathédrale Saint-Jean de Besançon, mercredi 15 à 20h30, à la cathédrale Saint-Christophe de Belfort, jeudi 16 à 21h jusqu’au Temple Protestant de Dijon, samedi 18 février à 17h30.

Une envolée sacrée pour célébrer en beauté cette musique qui adoucit les mœurs tout en faisant si peur aux extrémistes de tous poils.