« Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas »
Phrase célèbre et digne du mélodramatique et génial André Malraux, même si il a toujours nié avoir prononcé cette sentence.
Pourtant, dans sa correspondance, prolifique, on peut trouver cette lettre de 1955 sur la question du fondement religieux de la morale :
« Depuis cinquante ans la psychologie réintégre les démons dans l’homme. Tel est le bilan sérieux de la psychanalyse. Je pense que la tâche du prochain siècle, en face de la plus terrible menace qu’ait connu l’humanité, va être d’y réintroduire les dieux »
Propos de son époque à mesurer aujourd’hui à l’aune de ce que nous vivons au nom de Dieu !
Néanmoins cette idée de morale prend de l’ampleur par les « manifs pour tous », où la joie d’affirmer sa vision étroite de la famille, relayée par le discours politique, de tous bords, et à tous degrés, de la bonne morale chrétienne aux saines valeurs républicaines.
Oui, nous sommes en perte de repéres alors que le but de chacun est souvent d’aller à la lumière, à l’amour, à la vie !
Des valeurs simples et vraies que l’on retrouve dans le discours d’une éternelle jeune fille aux écrits souvent mystiques, mais aussi universellement porteurs de tolérance et d’espoir.
A défaut d’un nouveau dieu, depuis le 16 octobre 2016 Dijon accueille une nouvelle sainte, Elisabeth de la Trinité, déjà béatifiée par le pape Jean-Paul II en 1984 et depuis canonisée par le pape François suite à deux miracles reconnus par l’Eglise catholique.

Que l’on soit croyant ou non, c’est toujours un événement de voir une personne « normale », en l’occurence une fille d’officier, à la bonne éducation, douée au piano et qui aurait pu avoir une vie classique et confortable, faire le sacrificice, au début du XXe siècle, des joies terrestres par une volonté irrépressible d’entrer au Carmel et d’Aimer.
« Je vous en prie, marquez tout du sceau de l’Amour, il n’y a que cela qui demeure »
Sans transformer les églises en temples d’Eros, c’est une émotion universelle et certainement la seule morale acceptable face à une société qui a perdu le sens du respect et de la dignité.
Un rappel aux valeurs essentielles par une nouvelle sainte vénérable et admirable dans l’église de sa première communion, l’église Saint-Michel, construite fin XVe et début XVIe siècle entre un corps gothique et une remarquable façade de style « renaissance italienne » unique en France.
Un écrin toujours ouvert au culte, digne de trois objets d’art sacré offert à sa dévotion.
Dijon possède un musée d’art sacré réunissant les objets de piété et les ornements qui ne trouvaient plus leur utilité suite aux changements apportés par Vatican II, ou qui courraient le danger d’être volés pour être recédés à des amateurs d’art religieux.
C’est donc un second événement qui découle du premier, afin de le servir et de le propager, comme objet d’une foi renouvelée.
Trois objets, miroir de la Trinité qu’elle vénère et qu’elle incarne : Une châsse accueillant ses reliques, une statue symbole de sa bonhomie et de son âme apaisée et une icône, image mystique d’une vénération multipliable à l’infini.
La Châsse :
Ce coffret précieux recevant les reliques de sainte Elisabeth de la Trinité a été offert par les carmélites de France, ordre dont elle est issue, par le Carmel de Dijon, aujourd’hui implanté à Flavignerot.
Sa réalisation et son installation ont nécessité le talent de plusieurs artisans d’art au savoir-faire unique et souvent ancestral.
L’autel en pierre de 2,7 tonnes destiné à recevoir les reliques est l’oeuvre de l’entreprise Ducherpozat, basée à Fixin, maçons de père en fils depuis 1590 ce qui en fait selon le Guinness Book la plus ancienne famille de maçons au monde.
Une pierre de Chassagne extraite dans une carrière au sud de Nuits-Saint-Georges et taillée par Kevin Boudeau, un jeune compagnon effectuant son tour de France, qui a su allier la tradition de la taille au burin à la modernité, par la confection d’un tiroir recevant une plaque de leds pour illuminer la châsse par le dessous.
Service technologique à la lumière intérieure.
Socle de l’éclatante châsse en bronze doré, verre et émail réalisée par le sculpteur italien Stefano Borin, issu d’une famille de sculpteurs, peintres et décorateurs, de la région de Vérone, alliant l’amour des beaux-arts aux valeurs spirituelles.
Une oeuvre qui relie sa vie terrestre, par l’évocation de douze épisodes de la vie de la sainte, souvent tirés des nombreuses photographies qui nous reste d’elle, au message spirituel.
Cette châsse prend la forme d’une maison, une maison de Dieu (Signification du prénom Elisabeth en hébreu) afin de recevoir le reliquaire où figure le symbole du Carmel et le « Laudem Gloriae« , louange à la gloire de Dieu, en laquelle elle est incarnée.
Au sommet plâne la colombe du saint-Esprit, de laquelle émanent les rayons qui illuminérent toute la vie terrestre de la carmélite jusqu’à tracer sa mission de sainte.
« Je veux être sainte, sainte pour faire son bonheur. Demandez-lui que je ne vive plus que d’amour, c’est ma vocation »
Douze colonnes de verre marquent à chaque étape de sa vie la présence de Dieu.

De son baptême, le 22 juillet 1880 en passant par la mort de son père le 2 octobre 1887, sa première communion, en l’église St-Michel le 19 avril 1891, le premier prix du conservatoire couronnant ses talents de pianiste, son entrée au Carmel de Dijon le 2 août 1901, la rédaction, le 21 novembre 1904, de sa célèbre prière « O mon dieu, trinité que j’adore« , comme une offrande à l’amour, jusqu’à sa disparition le 9 novembre 1906 de la maladie d’Addison.

« Je vais à la lumière, à l’amour, à la vie »

Elle passe ainsi d’Elisabeth Catez à sainte Elisabeth de la Trinité, par une vie courte et irréprochable mais surtout par de nombreux écrits, textes sacrés qui demeurent, selon son verbe favori issu du vocabulaire de saint Jean.

Outre ses lettres, Elisabeth a rédigé deux traités « Le ciel dans la foi » et « Dernière retraite » qui ont vite marqué les consciences ce qui a valu dès 1931 l’ouverture d’une première enquête en vue de sa béatification.
De là à dire que sa plume l’a amené au firmament du paradis…
La statue :
On retrouve cette idée de la page écrite qui s’envole dans la statue de la canonisation offerte par les carmélites de Flavignerot.
Une touche épistolaire et spirituelle dans ce portrait en pied, grandeur nature, qui se veut le plus proche physiquement de ce qu’était Elisabeth de la Trinité, le visage toujours souriant et apaisé, comme confiante dans cette Trinité qui orne, au niveau du coeur, son scapulaire : le cercle de la totalité divine, la croix du christ et la colombe de l’Esprit saint.
Vent de l’Esprit saint qui donne du relief aux premiers mots de sa prière, en lettres d’or : « Ô mon dieu Trinité que j’adore…« .
Cette figure de bronze patiné, réalisée dans la fonderie de Coubertin, impressionnante de par la taille et le calme qui en émane, est l’oeuvre de l’artiste Fleur Nabert, touche à tout de l’art sacré, du vitrail à l’orfévrerie en passant par le mobilier et le bronze, travail que l’on peut admirer dans la chapelle ND du Sourire à Lisieux et dans plusieurs cathédrales comme à Bruxelles, Metz ou Chartres.
A noter que comme Stefano Borin, l’auteur de la châsse, elle a travaillé au reliquaire de la famille Martin du sanctuaire de Lisieux.
Une union des talents artistiques pour sonder le Mystère divin avec passion et persévérance.
L’icône :
Depuis 1984, la bienheureuse Elisabeth de la Trinité a fait l’objet de nombreuses icônes.
En tant que sainte, la première a été réalisée par Alain Chenal, iconographe amateur, ingénieur de formation qui trouve dans cet exercice une forme de prière à partager avec tous, croyants ou non, à la recherche du sens de la vie.
Elle a été bénie le 8 novembre 2016 en l’église Saint-Michel et offerte à cette paroisse qui l’expose dans la chapelle Saint-André.
L’icône n’est pas un portrait mais une représentation de la personne intérieure, spirituelle, qui aide à pénétrer et célébrer le mystère divin qu’elle a approché, personnifiée en « Louange de Gloire ».
Elle apparaît au centre d’une mandorle de flammes, embrasée par l’Esprit saint tandis que la croix du Christ scintille sur son coeur et la fait rayonner.
En bas figurent le carmel de Flavignerot (A l’embléme de la croix et des trois étoiles symboliques) et l’église Saint-Michel qui font le lien entre la terre, le vert des grands espaces qu’elle appréciait tant et sa courbure qui lui donne son assise et la Trinité scintillante jusqu’à son auréole.
Elle est l’intermédiaire et l’incarnation de notre capacité à être aimable, aimant et surtout digne d’être aimé, malgré nos différences, subies et choisies.
L’intolérance n’est alors qu’une déficience humaine puisqu’Elisabeth porte en elle l’évidence d’un Dieu Trinité dont le père aime, le fils est aimé et l’Esprit saint est amour.
Oeuvres complétes, texte établi par le Père C. de Meester, Editions du Cerf
Renseignements à l’Espace Elisabeth, 16 rue Vaillant, devant l’église Saint-Michel, du lundi au vendredi de 15h à 17h.