Comment définir le luxe ?
Par la surenchère ? Par le « bling-bling » ? Par le tapage d’objets censés vous crédibiliser aux yeux des autres ?
L’argent ne répond qu’en partie à la définition et la facilité des logos n’apporte bien souvent que la lumière artificielle d’une époque qui privilégie le virtuel au détriment du naturel.
Et pourtant !
Le véritable luxe est souvent ce qui se laisse oublier, le savoir-faire d’exception devient l’évidence, l’élégance invite le paraître à révéler l’être, et la simplicité se révèle plus que jamais dans la maîtrise du geste d’artisans chevronnés.
Le luxe est un travail manuel de longue haleine pour acquérir et obtenir la perfection de l’instant.
Tous les métiers (Restauration, alimentation, mode, joaillerie, fonderie d’art, ébenisterie…) sont concernés par cette recherche de la qualité, couronnée tous les trois ans par le concours du Meilleur Ouvrier de France qui depuis 1924 allie le respect des traditions à l’innovation.
Avancer sans rien renier pourrait être la devise de ces lauréats de l’excellence.
Parmi eux, Isabelle Minini, reconnue par ses pairs en 1997 dans la catégorie « Art Floral ».
Une satisfaction et surtout le plaisir d’un métier qui n’a pas toujours la délicatesse de ses objets, les lourdes charges, les horaires matinaux et le froid, demandent une motivation extrême, à l’image des métiers de bouche, entre rigueur et témérité.
Une force qui s’explique par le soutien indéfectible de sa famille et particulièrement de son père, l’artiste Jean-Marc Minini, qui a tout fait pour lui garder cet équilibre essentiel, loin d’une aventure parisienne un moment envisagée.
Ce concours a été le remerciement à cette confiance filiale qui lui a permis d’ouvrir en 1986 la boutique « Fiorella » à Fontaine-lés-Dijon et il y a 17 ans celle actuelle, à Dijon, dans le quartier des antiquaires.
De cette confiance émerge la volonté de ne pas être simplement marchande de fleurs mais décoratrice florale dans toute sa technicité.
Un travail de l’éphémère qui trouve sa constance dans l’univers créatif paternel et dans cette campagne de l’enfance où les fleurs invitent à butiner le destin.
Des racines solides et le goût de l’aventure sans fioriture.
Ici vous ne trouverez pas de petits bouquets étriqués noyés d’accessoires, Isabelle prône l’éthique de la saisonnalité, de la fleur de jardin qui seule apporte l’émotion du moment.
Un goût de l’authenticité et de la matière qui lui permet de montrer son travail dans de nombreuses expositions internationales.
Son style inimitable transforme le bouquet en geste, dans le respect de la fragilité et du sens de la pousse, autant de facteurs qui peuvent transformer la fleur fraîche en tableau vivant.
Une démarche artistique inspirée du savoir-faire de ses « concurrents », des norvégiens, belges et allemands qui ne gardent que l’essentiel en travaillant le végétal avec respect, aux japonais et thaïlandais dont les structures de bout de bois transportent les fleurs en « Land Art« , une tendance de l’art contemporain où la nature devient objet et non plus simplement sujet.
Isabelle trouve en ces voyages l’équilibre de la liberté pour elle même et ses créations, de l’épure des paysages japonais à la fraîche forêt tropicale des landes écossaises révélant des sculptures de lichens.
Revenue à Dijon il faut lutter entre sa volonté de nouveauté et les exigences un peu trop sages de la clientèle, privée ou d’entreprise, pour qui les fleurs sont le luxe d’un instant.
C’est toute la difficulté d’offrir une exception éphémère à un événement dont seule une image perdurera même si l’émotion du moment n’a pas d’égale.
L’art floral propose un condensé de vie quand beaucoup voudraient voir l’éternité.
C’est pourquoi, de plus en plus, les fleurs fraîches laissent la place aux fleurs en tissus, dont certaines conçues par des fleuristes, d’une merveilleuse réalité.
Isabelle les traitent comme des sculptures, là où elle octroie aux fleurs fraîches le geste du peintre, les fleurs en tissus apportent de la profondeur, entre malléabilité nouvelle et fragilité apparente.
Elles se prêtent ainsi à toutes les fantaisies jusqu’à la réinterprétation des Grands Maîtres.
Challenge du temps, d’un mot et de la matière que le musée Magnin avait lancé à Isabelle Minini pour son exposition « L’ordre de l’éphémère. Représentation de fleurs anciennes et contemporaine« .
Les fleurs modèles ne sont plus depuis longtemps, ne demeure que leur image arrivée jusqu’à nous depuis les ateliers des peintres néerlandais du XVIIe siècle et les salons bourgeois du XIXe.
En comparaison, c’est une oeuvre de l’instant, virevoltant bouquet au naturel, qui nous accueille. Appelée à durer cette composition fige l’éphémère tout en maintenant l’émotion.
Une touche de vie, de beauté et d’imagination inspirée, et non copiée, des oeuvres exposées.
Elle permet, entres autres, de préserver le geste d’une ouvrière de l’excellence, d’une artiste du présent, d’une coloriste innée, qui laisse respirer la nature pour la magnifier.