FREE THE WOMEN
Une exposition slogan comme un début de solution à la question imprimée par Maria Grazia Chiuri, la nouvelle directrice artistique de Dior, sur une marinière de sa dernière collection hommage à Niki de Saint Phalle : « Why have there been no great women artists ?« .
Le FRAC Bourgogne dans ce vent féministe, quelquefois aussi radical que le mal à éradiquer, nuance le propos par ce titre, nouvelle signification soft à l’acronyme antisocial de la contre-culture biker, F.T.W. : Fuck The World !
Clin d’oeil aux questions et affirmations extrêmes cette installation prône la liberté à la française par la voie de la parité : 6 artistes, 3 hommes et 3 femmes en confrontation directe et frontale au-delà du sexe, de la génération et de l’inspiration.
Le travail des trois artistes masculins (Jean Dupuy, Matias Faldbakken et Steven Parrino) déjà vu en 2016 lors de l’exposition « here / there / where » y gagne une perception nouvelle dans ce discours sans parole avec les oeuvres d’Anita Molinero, Emilie Ding et Nancy Rubins, pour certaines toutes récentes acquisitions du Fonds Régional d’Art Contemporain de Bourgogne.
Le langage plastique et visuel y gagne une expression nouvelle, loin des clichés de l’artiste féminine aquarelle, par une présence forte et essentielle au dialogue artistique comme l’a prôné toute sa vie Steven Parrino (1958-2005), artiste hors cadre, provocateur et biker jusqu’à la fin, qui a inspiré ce nouveau F.T.W.

Son travail dès la fin des années 70 est de secouer la peinture alors déclarée morte, de détacher la toile devenue civière pour lui redonner du relief.

Ces « peintures déformées », monochromes froissés, apportent de la matière, effets inédits que l’on retrouve chez les trois artistes féminines de l’exposition.
Anita Molinero (1953) a tiré de ses difficultés d’apprentissage de la sculpture la force de la confrontation à l’inconnu de l’art. En résulte des oeuvres dont la puissance émane de l’irréversibilité du geste, de ces plastiques qu’elle coupe, brûle et lacère jusqu’aux limites de la forme.

Un mix entre apparence sucrée, barbe à papa et guimauve, et réalité de matériaux toxiques et pérennes, polystyrénes transformables mais infiniment indestructibles.

La même démarche de transformation industrielle anime Emilie Ding (1981), l’artiste suisse adepte des formes structurelles issues du BTP et de l’architecture moderne.
« Marquisats V« , monolythe de béton, exprime son goût pour les modifications techniques, les formes concrètes et les matériaux bruts qu’elle malmène.

Rondeur du graffiti opposé à la masse rectiligne du béton, comme un condensé de la double expression urbaine, réglementaire et contestataire.

Motif expressif que l’on retrouve dans ses derniers travaux en feutre aux abstractions calcinées, comme bitumées.

Le matériau d’isolation phonique doit voir sa structure changer pour s’exprimer, prendre du relief et rompre avec son minimalisme structurel.

Une existence feutrée, qui comme les plastiques d’Anita Molinero, naît de la destruction maitrisée.
Nancy Rubins (1952), la troisiéme artiste exposée, questionne aussi la nature des techniques.
Même attitude monochrome, même faux semblants qui demandent au visiteur d’y regarder à deux fois pour essayer de comprendre la matière et la démarche.

Artiste habituée des sculptures monumentales, assemblage de détritus et de matériaux divers, l’oeuvre exposée ici ressemble à un morceau de tôle brute, élément métallique tiré d’un avion ou d’une voiture.
Pourtant il s’agit d’un dessin au graphite sur papier épais, qui romp avec la perception classique de la peinture et de la sculpture, du mécanique et du manuel, de la technique industrielle et artistique.

Trois artistes féminines qui savent se jouer des apparences et d’une perception souvent biaisée de la réalité comme un pied de nez à leur propre statut de femme, inventive, radicale, forte et monumentale dont la notoriété pâtit encore des clichés.
Exposition à voir jusqu’au 18 mars 2018
Ouverture de deux nouvelles salles à partir du 17 janvier 2018
Renseignements au 03.80.67.07.82
Oeuvre d’ouverture (détail) : Anita Molinero, Croûûûte Criarde, 2016, courtesy Galerie Thomas Bernard – Cortex Athletico