Le Consortium – Exposition Hiver-Printemps 2018-2019 – 37 rue de Longvic

Cette saison est de contrastes au Consortium, retours fréquents passé-présent, questions cruciales à l’humanité opposées aux réalités politiques, offrandes au marché de l’art et personnalisation à outrance pour un autre regard.

La couleur est de mise, les techniques en évolution, les supports sans limite et le message général un encouragement à être soi jusqu’à l’outrance.

L’artiste New-Yorkais Mathieu Malouf nous offre un aperçu de l’évolution de son travail, de l’adolescence aux huit dernières années, qui entérine sa contribution majeure au médium pictural entre pailettes, latex, champignons et tumeurs interconnectés.

Les emprunts à l’histoire de l’art sont flagrants, les clins d’oeil pop sont légions, Andy n’est pas loin, Warhol non plus, Caytlin (Jenner) est la nouvelle Marylin (Monroe), Kim Jong-Un, le nouveau Mao et Donald, le Kennedy d’un destin réalité.

Ca brille, ça claque, flashez avec votre portable pour plus d’explications controversées sur la conscience humaine et ses vérités éternelles teintées d’intelligence artificielle :

L’ensemble est un tout, le particulier un rien de nous, ce que l’art devrait toujours être, amusant, dérangeant, un spectacle vu de loin, un constat pour chacun.

Questions de genre, d’objet à sujet que confirme l’oeuvre de la texane Emily Mae Smith qui libère de sa fonction d’esclave le balai de « L’apprenti sorcier » de Walt Disney pour en faire tour à tour le vainqueur du Sphinx et l’icône glamour d’un nouvel Art Nouveau aux courbes pop, couleurs grinçantes et verres fumés pour mieux montrer ce que l’on veut cacher.

Les inspirations fusionnent, la fusion ambitionne et l’ambition gagne à se faire connaître, le balai en devient phalocrate et la langue hygiénique, pied de… nez aux carrières faciles dont Emily veut se démarquer pour durer.

Sa proposition est donc multi-facettes, oeuvres d’obstination et d’envergure, exécution parfaite, fantaisie et sens du grotesque digne de la scène des Chicago Imagists des années 60 dont elle revendique l’inspiration.

Déplaire pour mieux séduire, s’opposer pour créer sa vérité, mixer pour réinventer sont les clés d’une surprise picturale rafraîchissante et confortante pour une artiste déjà majeure.

Créer pour témoigner, inventer pour insister, inspirer pour évoluer sont des impératifs que l’artiste américaine Valérie Snobeck transpose aux questions écologiques et environnementales.

Particulièrement sur le bilan contrasté de l’United States Environmental Protection Agency (EPA) et sa relation malaisée avec les lobbies industriels, notamment sous le gouvernement américain actuel avec sa remise en question des règles de protection de l’environnement établies sous les administrations précédentes.

Valérie Snobeck s’inspire de l’architecture du bâtiment de l’EPA à Washington et le réduit à la taille du corps humain.

Impacts et dépendances, perception et réalité où l’architecture est dépouillée de sa monumentalité, les armatures porteuses réduites à un squelette, voir un fantôme, essence famélique de ce qui est censé nous surplomber, nous surpasser…

Un changement d’échelle pour mieux parvenir à saisir les enjeux d’une humanité écrasée par ce qu’elle a créé ou est entrain de créer !

Oeuvres réduites à témoigner des agissements de leur époque et de leurs dérives, oeuvres majeures qui souvent témoignent à la fois d’une époque et de ses « clins d’oeil » au présent.

Les oeuvres de la collection du Consortium Museum plongent le premier étage dans le New-York des Eighties.

David Robbins, qui en son temps a fait poser les jeunes loups de l’art contemporain à la manière de comédiens en devenir (Talent, 1986), confirme aujourd’hui le statut de star de Jeff Koons ou de Cindy Sherman.

Allan McCollum et ses « Fives perfect vehicles » reproduit cinq bocaux à gingembre chinois, identiques si ce n’est par la teinte, parfaits si ce n’est par la perte de fonctionnalité, l’ouverture étant impossible.

Métaphore à l’époque de la marchandisation du monde de l’art, n’est t-elle pas de nos jours celle des nouvelles icônes populaires multipliables, parfaites et inutiles ?

Une saison témoignage de notre monde et de sa façon de le recréer pour le réinventer ou tout au moins l’aider à évoluer. Steven Parrino s’est « attaqué » à la fin des années 70 à la peinture, médium que l’on disait alors moribond. La toile malmenée, dissociée du chassis, détendue, retendue s’est réinventée comme l’artiste et comme l’homme moderne qui sans mouvement s’enlise.

Le rythme s’accélère, la pression pousse à la performance et ce dont témoigne ces artistes est de ne jamais se nier, s’inspirer sans jamais renoncer à sa personnalité, être un cri strident dans la convention.

Steven Parrino, « Screaming Yellow Crush on Classy Chassis », 1992

L’Histoire est un éternel recommencement, l’histoire de l’art n’y fait pas exception si ce n’est que son rôle est de « faire un meilleur avenir avec les éléments élargis du passé« (Goethe).


Expositions à voir jusqu’au dimanche 14 avril, plus d’information ici


Oeuvre d’introduction :

Mathieu Malouf, Caytlin, Peinture acrylique et paillettes sur toile, 167,6 x 167,6, 2017

Le Consortium – 37 rue de Longvic – Printemps 2018

La création est une offrande à ses rêves tout autant qu’un hommage aux époques et aux personnes qui les ont nourri.

L’imagination est une dynamite qui ne s’exprime pas sans l’étincelle qui a engendré l’imaginaire.

Jay DeFeo

Le Consortium, cette saison, nous fait voyager dans le temps par quatre expositions, révérences aux références, moteurs multiples d’une personnalité inspirée, admirations mouvantes du temps perdu à conquérir son idéal, nostalgies offertes aux fringales futuristes.

La première nous fait découvrir Jay DeFeo, femme, américaine, artiste de la matière, inspirée du tout, créatrice sans entrave.

Une liberté d’action, des années 50 à sa disparition en 1989, qui l’associe à la « Beat Generation » selon le terme inventé par Jack Kerouac en 1948, qui oscille entre « béatitude » et « fatigue » face à une société qui se jette furieusement dans la sur-consommation.

Jay Defeo en crée le manifeste plastique à charge avec « The Rose » une masse de peinture liée à du mica lentement élaborée de 1958 à 1966, passant par plusieurs stades, gagnant à chaque fois en taille et volume jusqu’à atteindre 3 m 27 de haut, 2 m 35 de large et 28 cm d’épaisseur pour plus d’une tonne de matière.

« The Rose » – Whitney Museum of American Art – New York

Une oeuvre obèse expulsée de l’appartement qui l’a vu naître, en même temps que sa créatrice, en cassant les murs et en utilisant un chariot élévateur.

Flower Power ultime d’une société sans limite, qui en fait l’oeuvre emblématique d’un monde occidental post-nucléaire.

Une énergie créatrice, visible ici en échelle réduite, par une série de peintures et de collages mis en perspective avec le travail de onze artistes de la nouvelle génération entrainés par cette vague toujours en mouvement.

La ligne, la matière, les motifs, les références à l’histoire de l’art et aux médiums originaux se trouvent multipliés en effet de miroir confronté.

Ugo Rondinome transforme la toile en mur trompe-l’oeil, jute noircie en effet de briques, faux-semblant symptomatique de nos fantasmes et réalités de séparations passées et à venir.

Oscar Tuazon, veut quant à lui, reconstituer le mur détruit pour évacuer « The Rose« , porteur autant que l’oeuvre sauvegardée de l’acte créatif.

Gay Outlaw se nourrit de références classiques, cercle parfait de Giotto, en sucre ambré, caramel concentrique qui ne tardera pas à l’époque du réchauffement climatique à enduire les murs d’une substance calorique.

Wyatt Kahn se plie à l’ambiguïté peinture-sclupture en formes de plomb imbriquées dans une géométrie picturale écho à ses dessins pris de reliefs sous-jascents.

Et Tobias Pils, invité de la précédente exposition du Consortium, graffite les toiles d’encre dont les lignes épurées ne dissimulent pas longtemps les objets d’une libération sexuelle archétypale de la « Beat Generation« .

Autant de clins d’oeil à l’art de la liberté initié par Jay DeFeo qui se joue des limites pour mieux les réinventer.

Deuxième exposition et autre artiste à repousser les extrêmes, Rebecca Warren présente son travail bouillonnant et technicolor.

Des totems expressifs, odes brutales par leur texture à une féminité affirmée sans tomber dans les clichés de courbes quasi-machistes.

On retrouve dans ses oeuvres, d’argile, de bronze et d’acier soudé les silhouettes graciles de Giacometti taguées de teintes pastel.

Deux mondes qui s’entrechoquent, deux clichés, de la minceur et du mignon, qui collent aux femmes dans une normalisation illustrative.

Ainsi, Rebecca Warren en mélangeant les poncifs nous montre des créatures torturées qui agissent entres elles, dans une harmonie plus complexe qu’au premier regard.

Une manière habile de donner de la profondeur aux apparences.

Troisième exposition, « Southern Garden of the Château Bellevue » du jeune artiste américain Matthew Lutz-Kinoy nous entraîne dans un revival rococo à la française.

Une série de toiles décoratives réalisées pour la grande galerie du premier étage du Consortium et inspirées par les salles dédiées au peintre François Boucher dans le musée de la collection Frick à New-York : des panneaux muraux représentant des enfants jouant aux adultes.

Tout l’art de vivre du XVIIIe siècle s’y retrouve, du tracé des jardins à l’anglaise, aux teintes délicates, blond, bleu, rose et orangé, en passant par les scènes naturalistes et les chairs généreuses plus ou moins disloquées…

Car ces toiles témoignent aussi d’un certain libertinage homosexuel, inspiré cette fois des dessins érotiques de Cocteau et de son fameux « Livre blanc« , fantasmagories de marins enchevétrés et de michetons prêts à satisfaire tous les fantasmes de ces messieurs.

Matthew Lutz-Kinoy réussit à rendre le tout agréable à l’oeil et à renouer superbement avec l’art de l’ornement, créateur d’une atmosphère raffinée telle qu’il n’en existait plus depuis Cocteau et la période faste des grands bals et fêtes dans les demeures de ses riches amis, la villa blanche à Tamaris ou la villa Santo-Sospir de Francine Weisweiller à Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Une époque disparue qu’il est toujours agréable de voir réapparaître au détours d’une galerie.

Il serait donc dommage de ne pas continuer la découverte de ces mondes perdus avec la dernière exposition : « My Colorful Life » de Pierre Keller.

Cet ancien directeur de l’ECAL/Ecole cantonale d’art de Lausanne (1995-2011) a construit son art à une époque où la rue, les clubs et les backrooms étaient les principales sources d’inspiration.

Ne lachant pas son appareil photo, bien avant que ce ne soit un geste machinal, il a conservé la mémoire de plaisirs qui ne devaient être qu’éphémères.

Cet art du dévoilement se retrouve ici dans les nombreux polaroïds d’une époque définitivement close, celle d’une insouciance tant cérébrale que sexuelle, l’un entraînant certainement l’autre, où apparaissent les génies répondant aux noms de Warhol, Haring ou le bel anonyme au talent particulier.

Des images plus suggestives que pornographiques, qui ne laissent pas le goût amer d’une expérience interdite qui finit mal.

La jouissance du passé est comme en suspend et peut encore se vivre aujourd’hui, là est l’art de Pierre Keller, avoir fixé à jamais cette courte période de liberté totale, entre l’affirmation gay de Stonewall et l’apparition du sida.

12 à 13 ans d’une vie débridée, performance mortifère dont ces polaroïds témoignent encore de sa raison d’être.

Quatre expositions liées dans un jeu de mouchoir, entre émotion, agitation et recyclage d’un art qui se doit de provoquer demain.


Expositions à voir jusqu’au 20 mai, plus de renseignements ici.

Le Consortium – 37 rue de Longvic – Automne-Hiver 2017-2018

Premières expositions au Consortium, centre d’art contemporain, depuis la disparition de Xavier Douroux, son cofondateur, le 28 juin dernier.

Ses 40 ans à la tête d’un centre devenu institution pour nombres d’artistes et d’initiés, trouvent un hommage dans la diversité des oeuvres exposées durant cette exhibition automne-hiver 2017-2018.

Du basique à l’onirique, du rapide au technique, du folklore saisonnier aux oeuvres pensées.

Toutes les facettes de l’art actuel, des balbutiements que l’on souhaite prometteurs, aux artistes affirmés qui évitent malgré tout la facilité…

Une déception d’abord, dans l’immense galerie de l’étage, transformée en chambre mortuaire gothique et anti-christique : « Hymne à la joie« .

L’artiste canadien Nicolas Ceccaldi (1983) qui dès l’entrée oscille entre lumière et noirceur d’un trait prometteur se perd vite dans une évidence outrageante, dont le génie repose certainement sur l’ironie du titre.

Une enfilade de miroirs gothiques de pacotille, aux reflets de cirage évidemment noir, accueillent en leur centre des crucifix inversés sortis d’une ressucée de films de vampire de la Hammer, mauvaise époque.

La déception est d’autant plus grande que cet artiste, dont le travail sur la fragilité et l’obsolescence ne laisse habituellement pas de marbre, nous promettait, dans un communiqué du Consortium, dont il a été le résident estival, un travail sur le drapeau pirate, « Jolly Rogers », et les déclinaisons des memento mori, tête de mort et tibia croisé, sablier, diablotin, coeur…

Une thématique qui pouvait moralement gêner aux vues des circonstances dramatiques qu’a connu le centre mais qui artistiquement se transforme en foire « dark side bon marché », vaguement Marilyn Manson, idéale à quelques semaines d’Halloween mais qui ne rend hommage à personne !

Heureusement, les cinq autres artistes sont plus fidèles à l’esprit maison.

L’autrichienne Marina Faust, tranche dans les couleurs vives, morcelle les images de l’enfance pour découvrir l’adulte que nous deviendrons.

Une série de collages-portraits réalisés à partir d’un livre jeunesse, porte une expression artistique dont l’archaïsme apparent permet en couches successives d’exprimer le passage du monde de l’innocence à la connaissance de ses limites, aussi abruptes que celles d’une feuille déchirée.

Le même constat d’évolution rapide et artificielle se retrouve dans le travail de Wang Du (1956), l’un des nombreux artistes chinois installé en France, à l’image de Yan-Pei-Ming à Dijon.

Enfant de la révolution culturelle, puis mineur pendant 6 ans, il entre aux Beaux-Arts de Canton dont la formation académique titille son esprit rebel.

Ses sculptures de par leur format, gigantesque, leur source d’inspiration, populaire, et leur installation, toujours spectaculaire, interrogent les changements profonds, corporels et intellectuels de notre société.

Le passage de l’évolution naturelle à l’évolution artificielle engendre un monde de clonages, lié certes à la biotechnologie mais surtout à cette volonté de célébrité immédiate, prophétie Warholienne vide de sens, qui envahit les réseaux sociaux.

Wang Du, par la présentation de certains éléments de son exposition de 2000, réalisée au Consortium, « Réalité jetable », dresse le constat d’une anticipation des années 2010 dont le trio monstrueux évoque à la fois le produit marketing, la violence et l’exhibitionnisme qui se place en hauteur, au dessus de tout et de tous.

Une prédiction étonnante de notre monde avide de téléréalité et de « stars » gonflabes et dégonflabes à volonté en valeur d’exemple.

Même retour sur les oeuvres d’un passé proche avec le peintre hollandais Peter Schuyff (1958) et la toute première retrospective de ses travaux de jeunesse, réalisés de 1981 à 1991 à New-York.

L’accent est mis sur trois groupes d’oeuvres : des acryliques sur toiles dites « biomorphiques », typiques du début de ses recherches (1982-1984), une importante sélection de compositions abstraites (1984-1988) également à l’acrylique, ainsi qu’un large groupe de travaux sur papier traversant la décennie (1981-1991).

Une plongée dans le mouvement Néo-Géo des années 80, héritié du Op Art, entre minimalisme, jeux visuels et esthétique fractale, parente des théories populaires à l’époque, dont la théorie du chaos.

Une mise en perspective à la fois décorative et méditative, pour des oeuvres qui ne nient pas le plaisir esthétique qu’elles procurent tout comme les réflexions qu’elles suscitent.

Une dualité du désir et de l’esprit qui se retrouve dans le jeu de miroir du travail des artistes Tobias Pils et Michael Williams.

Deux approches du motif à la base d’un travail sur l’expression artistique.

L’autrichien Tobias Pils (1971) travaille d’abord sur lui-même en oubliant à chaque nouveau projet ce qu’il a pu faire auparavant.

Une volonté de nouveauté qui sans nier ne cristalise pas le passé. Un mouvement vers l’avenir qui s’inspire aussi bien d’une allégorie traditionnelle, que d’un rythme ou d’une harmonie abstraite.

Un langage pictural expressif et passionné qui présente souvent dans une seule oeuvre le représentatif, le fantastique et l’abstrait.

En résulte des images vaguement humanoïdes qui émergent de ces toiles exubérantes aux compositions-combinaisons d’huile, d’acrylique et de vernis, aux effets de lavis doux pour gestuelles audacieuses.

Une technique énigmatique et sophistiquée qui fait écho au graffiti tout en étirant les possibilités picturales.

Là est l’intérêt de la confrontation avec les oeuvres de l’américain Michael Williams (1978).

Un artiste intuitif, à la fois rigoureux et irrévérencieux, dont l’iconographie particulière le rapproche aussi du graffiti et de la culture populaire.

Chacun de ses tableaux est d’une grande complexité visuelle métissant un éclectisme Hippie (Nom d’une de ses oeuvres) et le numérique, le griffonnage aérographié dans des couleurs vives et des explosions graphiques sur la toile.

Les inspirations sont nombreuses (George Grosz, Edward Koren, Cy Twombly…) en un mix très particulier où les couches successives créent une perspective nouvelle, tant en profondeur qu’en ressenti.

Deux artistes très techniques, qui savent jouer sur les émotions pour permettre à chaque observateur de s’immerger personnellement dans l’oeuvre.

Un très bon cru automne-hiver 2017-2018 pour le Consortium qui sait toujours aussi bien mêler sa propre histoire aux talents internationaux, en retrospective ou dans la perspective de techniques nouvelles au service d’une expression essentielle qui a, comme dans la vie, quelquefois ses ratés.

Le Consortium – 37 rue de Longvic – Exposition « Truchement »

1977 a vu l’art contemporain exploser à la face d’une France giscardienne peu encline aux changements esthétiques.

Beaubourg, voulu dès 1969 par un président de la République en phase avec les créations de son époque, est à la fois un centre polyculturel, un défi lancé par l’exécutif à l’académisme des institutions culturelles d’Etat et une réponse éclairée aux événements de mai-juin 1968.

Quarante ans après son inauguration en tant que centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, son architecture « industrielle » due à Renzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco Franchini étonne toujours et attire plus de trois millions de visiteurs par an, entre la première collection d’art contemporain et actuel d’Europe (La deuxième au Monde après le MoMA de New-York), les galeries d’expositions temporaires, les salles de spectacle et de cinéma et la première bibliothèque publique de lecture en Europe.

Une influence sur les créations artistiques récentes et se faisant qui a amené à créer une antenne décentralisée à Metz, une annexe, Centre Pompidou provisoire, à Malaga (Andalousie) et à collaborer avec la région de Bruxelles-Capitale pour élaborer un nouveau centre dès 2020.

Centre Pompidou à Malaga

Occasions multipliées de montrer au public sa collection d’environ 120 000 oeuvres dont seules 10% sont actuellement visibles.

L’anniversaire participe de cette ouverture d’esprit qui en 40 villes de Province et de Martinique célèbre une réussite française à l’internationale.

Les spectacles vivants, retrospectives  cinématographiques, performances et expositions sont autant de bougies éclairantes de cette pièce montée créative.

Rodez accueille Soulages, la Piscine de Roubaix se fait l’éloge de la couleur comme outil de construction de l’environnement, Tours déclare « Düsseldorf, mon amour » et Chambord plonge en aventure du regard… (Programme complet)

A Dijon la part de gâteau est double puisque 40 bougies célèbrent aussi l’évolution d’une association alternative, le Coin du Miroir, entre contre-pouvoir et lieu de parole indépendant, en Centre d’Art reconnu et respecté : Le Consortium.

Ancienne usine L’Héritier Guyot à l’architecture post-Bauhaus

1977-2017 : Plus de 230 expositions in situ, 90 expositions hors les murs dans 21 pays, une collection de 300 oeuvres d’artistes internationaux et toujours cette volonté d’enrichir le patrimoine public en matière d’oeuvres contemporaines puisqu’une partie de la collection est en cours de donations à la ville de Dijon, par le biais du Musée des beaux-arts.

Un double anniversaire entre deux centres d’art contemporain dont la différence d’échelle ne fait pas oublier le langage commun.

L’exposition « Truchement » présente des oeuvres dont l’histoire leur est commune, un album de famille dont la mémoire se nourrit de gestes créateurs et expressifs.

Il s’agit surtout de trilogues, entre les deux institutions et l’artiste, entre découverte, exposition et achat, ces oeuvres participent d’une démarche triangulaire dont le public est le grand bénéficiaire.

L’exemple parfait de cette alliance des trois temps, passé, présent et futur, est l’installation de On Kawara, premier artiste japonais qui a su donné à la pensée de son pays une forme contemporaine et productive pour l’Occident, ses date paintings se lient à une sculpture d’Alberto Giacometti (Femme debout II, 1959-1960) qui appartient au Centre Pompidou.

Ces dates peintes d’On Kawara étend le présent (La date correspond au jour de sa réalisation) au passé (Par la technique d’apprentissage et de réflexion nécessaire pour arriver au présent) et au futur (Nous, observant ce présent figé par une date).

Le parallèle avec la sculpture de Giacometti renforce cette alliance des temps puisque elle indique le mouvement comme présent intemporel, émergé d’un passé pour aller de l’avant.

Cet espace temps nous renvoie à la première confrontation de ces oeuvres, au Consortium en 1990, comme un retour vers le futur qui jamais ne passe.

Le Consortium a d’ailleurs commandé à Yan Pei-Ming, grand artiste chinois basé à Dijon, le portrait de ces deux artistes liés cette fois dans la même technique, entre médium photographique et gestuelle du peintre.

Dans la même idée « Polombe » de Franck Stella emprunte le nom d’une cité imaginaire tirée d’un ouvrage du XIVe siècle (Les Voyages de sir John Mandeville) pour une oeuvre au traitement informatique qui donne à un espace plan l’imaginaire de la 3D par illusion optique.

Charles de Meaux dont la société de production Anna Sanders Films compte entres autres comme membres les directeurs du Consortium a créé en 2014, pour le Forum -1 du Centre Pompidou, un Train Fantôme ou le temps se limite à la flânerie.

Cliquez pour un voyage dans Le Train Fantôme de Charles de Meaux

Ce tunnel, évoque les tuyaux caractéristiques de Beaubourg et un passage vers l’inconnu pavé d’images qui défilent, entre paysages et scènes de films, pour mieux nous faire oublier les heures d’un voyage à la fois infini et fugitif.

Quand Franck Gautherot et Xavier Douroux, directeurs du Consortium, invitent le sculpteur César aux Ecuries Saint-Hugues à Cluny en 1996, ils lui conseillent d’éditer une série de Compressions qui seront parmi ses dernières oeuvres, les premières exposées après sa disparition.

Des Compressions liftées, maquillées de couleurs de fard à paupières, rose, vert, or, dont le seul ornement est l’alliance de la signature de l’artiste et d’une date, année de sa disparition, comme une couche de vernis qui finit une carrière brute. (Image à la une et ci-dessous)

Le temps, une date, un poème, un voyage, une année, la confrontation d’images « modernes » projetées par un projecteur 35 mm des années 60 dans l’installation « Rheinmetall/Victoria 8 » de Rodney Graham, dont les oeuvres exposées cet automne-hiver (ici) faisaient déjà référence aux interactions temporelles et stylistiques.

En un mot cette exposition est « Archives » pour le Consortium, les alliances avec le Centre Pompidou, les relations intimes avec les artistes, les grands messages visuels à la reflexion innée.

On en sort des merveilles plein la tête, l’esprit crépitant jusqu’à s’interroger sur son parcours personnel, sur ses réalisations, son passé, son présent et son avenir…

Heureusement quelques salles du rez de chaussée exposent la réponse aux questionnements pas toujours flatteurs.

« Preview » d’Alan Belcher multiplie l’icône JPEG en céramiques format A4, comme autant de possibilités d’images à créer, à sauvegarder, à crasher pour se réinventer et croire toujours à la création future pour les 40 années à venir.


Expositions « Truchement » et « Alan Belcher – Preview » jusqu’au 03 septembre du mercredi au dimanche de 14h à 18h et le vendredi de 14h à 20h.

Visites commentées gratuites les premiers jeudis de chaque mois à 12h30, tous les vendredis à 18h30 et les samedis et dimanches à 16h.

Renseignements : 03.80.68.45.55

Le Consortium – 37 rue de Longvic – D. Hominal & F. Værslev

Le Consortium va fêter cette année l’étincelle de son existence, 40 ans à s’animer et à présenter des artistes qui ont encore quelque chose à dire sur la peinture.

Rodney Graham dont nous avons déjà présenté le travail (ici) et deux jeunes plasticiens, David Hominal et Fredrick Værslev qui affirment une harmonieuse fureur de créer.

David Hominal

David Hominal, un franco-suisse établi à Berlin, fils de boucher dont le sang des bêtes à été le premier objet et le révélateur de ses talents artistiques.

Enfin un peintre loin des faux semblants et du second degré, regardez, détestez, adorez mais ne cogitez plus. Une qualité essentielle dans un monde de l’art contemporain toujours prompt à noircir du papier pour ennoblir les oeuvres.

Tout son charme tient à cette liberté, loin de tous cloisonnements et des séparations habituelles entre l’abstrait et le figuratif, le consciencieux et le facile, l’art qui fait vendre et celui qui fait plaisir.

Les tournesols s’éclatent, les Smileys (Ou Emojis selon la génération) sont entre Le Cri et un panneau interdit, les monochromes d’ocres reviennent à la terre et les ananas se posent, prennent la pose et s’exposent.

Tout est simple mais rien n’est évident dans une peinture très gestuelle, tressautante, mouvante, vie-brante !

La toile en perd ses limites et rejoint en cela le travail de Fredrick Værslev, qui après Matias Faldbakken en 2013, est le deuxième norvégien à être exposé au Consortium.

Plus apaisé que son compatriote, Fredrick Værslev entretient un rapport très personnel avec la nature dont il se sert à des fins collaboratives aléatoires.

Un climat créateur qui exprime toute la difficulté de la vie en Norvège entre les fréquentes intempéries, le froid et la pénombre, une bonne partie de l’année.

Un cycle rigoureux qui apparaît dans un travail fait de séries sans espace défini, comme un long paysage lumineux découpé en séquences successives dont l’évolution est à peine perceptible mais bien présente.

Un art symbolique et brut, simple et marginal.

D’où le titre de l’exposition « All around amateur« .

Inspiré des photos de couchers de soleil prises lors de voyages en avion, avec un téléphone portable, la retranscription nécessite un chariot mécanique utilisé pour tracer des lignes sur les routes et les terrains de sport.

Les bombes de peinture pour ce type d’outil ne sont disponibles qu’en rouge, bleu, jaune et blanc, ainsi une fois les couleurs déposées sur la toile, Fredrick et son assistant les mélangent avec de l’essence de térébenthine jusqu’à créer un dégradé qui rappelle les tonalités du coucher de soleil.

Les toiles sont alors tendues sur des châssis de même taille afin de pouvoir être alignées de manière continue.

Réalisées par séries de huit toiles successives, leurs séquences peuvent se lire dans l’exposition selon des tonalités qui vont du plus foncé au plus clair.

Une oeuvre atmosphérique renforcée par la mise en scène spectaculaire de l’exposition dans un espace de soixante mètres de long, un extraordinaire effet de ligne d’horizon offert au crépuscule.

Petit instant poétique jamais très éloigné des réalités.

Fredrick Værslev remet constamment en cause le statut de la peinture par sa construction créatrice et par sa réponse aux soucis esthétiques de sa mère, désireuse d’installer une tablette sous le tableau pour y déposer des plantes ou des bibelots.

Etagère aux grains de riz

L’oeuvre réduite à l’ornement et l’ornement devenant oeuvre par la réalisation d’une série (Toujours) d’étagères en bois léger que Fredrick confie à des amis, artistes (Josh Smith, Matias Faldbakken) ou non, pour les décorer.

Humour, ironie, envie de plaire, d’orner, création libre, fétichisme…

… Liberté, réceptacle de tous les possibles, illustrée par ces deux expositions fidèles à l’esprit curieux né de l’étincelle initiale.


Expositions à voir jusqu’au 19 février.

Visites commentées gratuites tous les premiers jeudis de chaque mois à 12h30 – Prochaine le 2 février.

Plus de renseignements ici

Le Consortium – 37 rue de Longvic – Rodney Graham

L’art contemporain évite l’évidence, tourne le dos à la nature en la réinventant, et s’oppose au conformisme au risque d’être un mystère, souvent incompréhensible de « la masse ».

En rupture avec le maillage culturel éclairé, mis en place par André Malraux dans les années 60 (Maisons de la Culture), bon nombre d’associations urbaines, de « libre pensée » ont émergées dès 1970.

Elles se veulent, alors, les lieux d’un discours décomplexé et le champ d’expérimentations « plastiques » en tous genres.

Pour celles qui ont survécu (…) elles ont un poids indéniable dans le libéralisme du marché de l’Art que nous connaissons aujourd’hui.

C’est le cas de l’association « Le Coin du Miroir » fondée à Dijon en 1977 par Xavier Douroux et Franck Gautherot.

Devenue au fil des années, des alliances et des lieux d’exposition, Le Consortium.

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Premier centre d’art contemporain conventionné, en 1982, par la délégation aux arts plastiques du ministére de la Culture.

Désormais une Institution, indépendante, qui va fêter ses 40 ans, en utilisant, pour se faire, le truchement d’un autre anniversaire, celui du Centre Pompidou.

De l’esprit contestataire des débuts que reste-t-il ?

Xavier Douroux : « Je crois qu’on a beaucoup changé, mais malgré tout il y a quand même des lignes de force qui restent et on est toujours dans cette même capacité à dire « C’est maintenant que ça se passe ! ». Et cela permet de suivre, dès aujourd’hui, l’itinèraire d’un artiste dans les années qui vont venir« .

En cette fin d’année, et jusqu’au 19 février, trois artistes sont à l’honneur, R. Graham, D. Hominal et F. Vaerslev.

Trois visions, deux générations.

Intéressons nous au plus reconnu des trois, Rodney Graham, canadien, artiste de la scéne de Vancouver, représenté par les meilleures galeries, de New York, Londres et Zurich.

Le titre de son exposition pose les jalons d’une vision particulière du métier : « You should be an artist« .

« Vous devriez être un artiste »

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Rodney Graham ne se voit pas juste comme un créateur, mais comme un conteur d’histoires, qui souvent le mettent en scène.

La dualité : L’oeuvre de l’artiste et l’artiste dans l’oeuvre, offre toujours un questionnement particulier qui, ici, prend un tour décalé, aux limites de l’ironie, voir de l’humour.

Ses photos rétro-éclairées, uniques, dyptiques ou tryptiques, le représentent grimé en un artiste-personnage, emblématique ou caricatural de leur époque, soit musicien, peintre du dimanche, gardien de phare maquettiste, fou rêveur, ou en manque d’inspiration dans un bar.

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Dans ces images, les univers varient, mais reste toujours un sens de la reconstitution, de la mise en scène, du détail, qui fait de chaque objet du décor une oeuvre d’exception.

On les retrouve, d’ailleurs, échappés de l’image, fragments d’art explicatifs du Tout, en même temps qu’hommage aux artistes et courants d’art passés.

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Ainsi la réalisation du dilletante du dimanche (ci-dessus) s’inspire de l’oeuvre de Morris Louis, artiste américain du color field.

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De même une série de sculptures en fils métalliques (Pipe Cleaner Sculpture) évoque l’Arte Povera, une attitude artistique et sociale, née en Italie dans les années 60, en rébellion contre la société de consommation.

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Le geste créateur surpassant l’objet fini.

Evocation aussi, dans une série de tableaux, de l’artiste Lucio Fontana, avec ses monochromes maltraités, mouvement du « Spatialisme » où la toile doit s’ouvrir largement au delà de son environnement pictural.

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Inspiration d’artistes majeurs des années 60, mais aussi des dessins d’humour que l’on pouvait trouver dans les magazines masculins des années 50.

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Caricature de l’art contemporain, et de ses amateurs, dans un jeu de miroir…

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Possible Abstraction – Laque sur panneau de bois

… Devant ces compositions abstraites, presque identiques, allez-vous vous poser la même question que ces deux hommes ?

Ironie, sens du détail, références, l’art de Rodney Graham est riche à plus d’un titre.

Il pourrait être comparé, en cette période de fêtes, à un calendrier de l’avent, dont les fenêtres ne cessent d’élargir l’univers artistique.

Par références, par déférence et par passion d’un art qui n’oublie pas sa vocation première : élever celui qui le regarde.